Fraternité Spiritaines


 MISSIONNAIRES SPIRITAINS

            Suite à notre dernier chapitre des Spiritains de la Province d’Afrique du Nord Ouest (PANO), nous nous sommes demandé comment mettre en pratique certaines des décisions les plus importantes pour être véritablement missionnaires, selon notre charisme et notre spiritualité.
            Nous nous sommes d’abord remis face à la Parole du Seigneur en écoutant ce qu’Il disait dans la synagogue de Nazareth (Luc 4, 16 à 21) : « Les pauvres sont évangélisés ». En effet ce sont les deux mots les plus fréquents qui sont revenus dans notre chapitre : évangéliser et attention aux pauvres.

1 – Agir au sein de l’Eglise
            En tant que missionnaires, il est essentiel que notre action se situe à l’intérieur de l’action de toute l’Eglise. Nous avons rappelé, à ce sujet, ce que nous vivons actuellement : le lettre sur la Joie de l’Evangile et la lettre sur l’écologie « Béni sois-tu », le Synode de la Famille, la fin de l’année de la vie consacrée et l’ouverture de l’Année de la Miséricorde. Nous avons rappelé également tout ce que le Pape François ne cesse de nous dire, en particulier ces deux choses : allez à la périphérie, c’est-à-dire auprès de ceux qui sont loin, pas seulement pour des raisons géographiques mais parce qu’ils sont écrasés, rejetés et mis à l’écart. Et deuxièmement lutter contre la civilisation du déchet, où l’on traite les hommes selon leur rentabilité, où l’on rejette ceux qui sont vieux, malades, handicapés, tous ceux qui ne sont pas rentables et que l’on traite comme des ordures.  Comment évangéliser dans ce contexte? Comment être les soutiens, les défenseurs et les avocats des pauvres comme nous le demande notre règle de vie ?
            Notre action doit se situer également dans la vie du monde. Juste un exemple : la semaine dernière, nous avons vécu la Journée Mondiale de la Jeune Fille, avec tous ses problèmes : la place de la femme dans la société, l’exploitation des jeunes filles, l’excision, les grossesses indésirées, les mariages forcés etc. Cette semaine, nous avons fêté la Journée Mondiale de l’Alimentation, en nous rappelant ce que disait François à la FAO : les pauvres n’ont pas besoin seulement de soutien, ils ont d’abord besoin de respect et de dignité. Et ce qu’il a dit dans son discours ce jour là : il est absolument inadmissible que des gens continuent à mourir de faim, alors qu’on gaspille la nourriture. Et que 80 % de la population mondiale n’ait pas de sécurité sociale. Cela c’était vendredi. Le lendemain samedi, c’était la Journée Mondiale de l’ONU, du rejet de la misère. Nous ne pouvons pas être citoyen du monde, si nous ne luttons pas de toutes nos forces contre la misère en nous rappelant que cette Journée Mondiale du rejet de la misère a été lancée par le Père Mzwrelinski, le fondateur de ATD / Quart Monde. Il s’agit pour nous de voir concrètement les conditions de vie des populations, dans les pays où nous travaillons en Afrique de l'Ouest (Pano) : la Guinée Conakry où Ebola reste toujours un danger, et où la suite des élections est inquiétante à cause des contestations ; la Guinée Bissau avec l’insécurité et la pauvreté grandissantes ; le Sénégal avec l’avancée du désert et la différence de plus en plus grande entre les riches et les pauvres ; la Mauritanie avec les tensions entre les populations noires et arabes etc.


2 – Notre règle de vie :
            La mission de la PANO doit s’intégrer dans le cadre de la Mission générale de la Congrégation. Nous avons rappelé certains points de notre règle de vie spiritaine.

N° 9 : l’Esprit répand en nos cœurs l’Esprit du Père (Romains 5, 5) qui éveille en nous le zèle apostolique. Cela se manifeste par un grand désir de voir s’établir cet amour chez tous les hommes. Nous nous demandons quelle est la qualité et la profondeur réelle de notre amour pour Dieu et pour nos frères, concrètement, dans la vie de chaque jour.

N° 10 : l’Esprit nous appelle à une conversion continuelle. Il façonne notre vie personnelle et communautaire. Il nous fait participer  aux mystères de mort et de résurrection de Jésus et nous prépare au don total de nous-mêmes pour le Royaume.
Dans quelle mesure nous laissons-nous conduire par l’Esprit ? Est-ce que nous vivons une conversion continuelle, aussi bien au niveau personnel que communautaire ? Comment mieux participer aux mystères de la mort et de la résurrection de Jésus Christ dans notre apostolat ? Est-ce que nous nous donnons totalement au Royaume ? Cela pose en particulier la question de la prière communautaire, de la révision de vie, du partage d’Evangile etc.

N° 11 : Nous participons en Eglise à la mission du Christ proclamant un salut qui est don de Dieu, libération de tout ce qui opprime l’homme, joie de connaître le Seigneur et d’être connu de Lui, en communion avec Lui et tous les hommes.
Là aussi quelques questions : comment notre travail s’inscrit véritablement dans le travail de l’Eglise et dans la mission du Christ ? Est-ce que nous savons d’abord accueillir le salut de Dieu comme un don, avant de l’annoncer aux autres ? Est-ce que notre travail apostolique est vraiment une libération de tout ce qui opprime l’homme, de tous les hommes ? Sommes-nous heureux de connaître le Seigneur, et comment partageons-nous cette joie ? Sommes-nous vraiment en communion avec tous les hommes, en particulier avec les plus petits, ceux qui sont les plus loin, ceux qui sont rejetés et méprisés? Ou  bien sommes-nous seulement en lien avec ceux auprès de qui nous nous sentons à l’aise ?

N° 12 : Nous allons de préférence :
1.       Vers ceux qui n’ont pas encore entendu le message de l’Evangile ou qui l’ont à peine entendu
2.       Vers les opprimés et les plus défavorisés individuellement et collectivement.
3.       Là ou l’Eglise trouve difficilement  des ouvriers.
Est-ce que nous allons vraiment en priorité vers ceux qui n’ont pas encore entendu l’Evangile, ou bien est-ce que nous ne nous laissons pas enfermés dans nos paroisses? Et dans ces paroisses, est-ce que nous allons vraiment vers les opprimés? Ou bien travaillons-nous avec les gens les plus formés, les plus proches de nous, les plus favorisés.

N° 14 : Nous considérons comme partie constitutive de notre mission d’évangélisation :
1.       La libération intégrale de l’homme.
2.       L’action pour la justice et la paix.
3.       La participation au développement
Où en sommes-nous à ces trois niveaux ? Il serait important que chacun personnellement, chaque communauté, et la PANO en tant que telle, fasse l’évaluation de notre engagement réel sur ces trois points.

N° 16, 1) : Afin que le témoignage chrétien rejoigne les hommes dans leur culture, et devienne une force de libération dans l’histoire actuelle de chaque peuple, nous favorisons de tous nos moyens une rencontre féconde entre l’Evangile du Christ et les traditions culturelles et religieuses locales.
Est-ce que nos efforts d’inculturation ne se limitent pas trop à la liturgie, quand ils existent? En tant que missionnaires, nous sommes souvent étrangers dans la culture où nous vivons. Cela est un appel supplémentaire pour travailler à une véritable inculturation.

N° 16, 2) : Lorsque nous vivons à l’étranger, nous nous efforçons d’étudier la langue, et de comprendre les us et coutumes des peuples dont nous sommes les hôtes.
Nous avons beaucoup insisté au cours de notre dernier chapitre, sur cette nécessité. Il ne faut pas que cela reste un vœu pieux.

N° 16, 3) : Nous dialoguons et collaborons loyalement avec les responsables et les croyants des autres religions, ainsi qu’avec ceux qui ne croient pas en Dieu. Nous sommes confiants en l’Esprit Saint qui nous mène les uns et les autres, vers la Vérité toute entière (Jean 16, 13). Est-ce que nous collaborons vraiment avec les croyants des autres religions ? Connaissons-nous seulement les imams du quartier, et aussi les responsables des communes et villages là où nous travaillons ?

N° 18, 1) : Nous considérons comme tâche vraiment importante aujourd’hui , l’apostolat auprès des jeunes dont la situation appelle plus que jamais des œuvres sociales et éducatives : le service auprès des réfugiés, des émigrés et des marginaux.
Notre action auprès des jeunes ne peut donc pas se limiter aux simples amicales et aux fêtes et rassemblements, mais chercher de vraies œuvres sociales et éducatives. Nous avons sans doute le souci des réfugiés et des émigrés, mais beaucoup moins des marginaux, ceux qui sont à l’écart de la société. Nous nous posons également la question de la qualité de notre vie communautaire (n° 24).

N° 24, 1) : Notre présence auprès des pauvres nous fait entendre de façon nouvelle l’Evangile que nous annonçons. C’est ainsi un aspect constant à la conversion et une invitation à adopter un style de vie simple.
Sommes-nous prêts à entendre chaque jour l’Evangile de façon nouvelle? Et à nous convertir, en vivant et en nous engageant avec les pauvres?

            3 – La vie de la Province :

A partir de là, nous nous sommes posés un certain nombre de questions sur notre vie en Afrique de l’Ouest,  en particulier sur notre mission. L’évangélisation des pauvres est vraiment notre but, et c’est pour cela, que nous travaillons, en paroisse ou non. Est-ce que nos paroisses sont vraiment missionnaires et évangélisatrices? Est-ce qu’elles donnent la priorité aux pauvres ? Pas seulement pour les aider, mais d'abord pour les écouter, et accueillir ce qu’ils ont à nous dire. Et ensuite, les soutenir dans ce qu’ils veulent faire eux-mêmes.
Nous travaillons au sein de l’Eglise locale. Nous respectons donc ses orientations, mais selon notre charisme et notre spiritualité missionnaire. Toutes les Eglises d’Afrique de l’Ouest ont mis en place un Plan d’Action Pastorale avec quatre objectifs : la communion, la sanctification, le témoignage et le service. Or trop souvent, dans nos paroisses, on est sensible à la communion et à la sanctification, surtout à la liturgie, beaucoup plus qu’à l’évangélisation et au service des pauvres. Notre responsabilité est donc d’insister sur ces deux derniers objectifs, choisis par l’Eglise elle-même.  D’autre part, souvent ces quatre objectifs se limitent à une action auprès des chrétiens. Alors que nous sommes responsables de la communion entre tous les hommes, et pas seulement dans la paroisse ou entre chrétiens. De même, nous sommes responsables de la sanctification de tous les hommes, pour qu’ils vivent mieux la foi et l’amour, quelle que soit leur religion ou leur non religion. Cela passe par des actions en commun, De même pour l’évangélisation. L’évangélisation ne peut pas se limiter à des prières charismatiques et à des chants entre chrétiens. Il s’agit bien d’évangéliser les non chrétiens, en sachant que « évangéliser » ce n’est pas la même chose que baptiser (1°Cor 1,17). Il s’agit pour nous, d’aider les non chrétiens à vivre dans l’esprit de l’Evangile, à la manière de Jésus Christ. A ce moment-là, ils sont vraiment dans le Royaume de Dieu, même s’ils n’acceptent pas de rentrer dans l’Eglise, ou d’être baptisés. Nous sommes au service du Royaume.
Ces mêmes réflexions s’appliquent également aux communautés de quartiers, qui doivent être des lieux d’évangélisation et d’engagement envers tous les pauvres dans le quartier. Alors qu’on a souvent transformé ces CEB en simple groupe de prière.
           
-Comme tous les séminaristes, nous donnons à nos étudiants une formation en philosophie et en théologie. Mais le Chapitre a bien insisté sur la nécessité de formation complémentaire, pour pouvoir répondre à notre charisme : « dans les domaines de la santé, de techniques diverses, et d’engagement dans la société. (II, 4) ». Et aussi sur la nécessité (n° 5) de la formation pour l’évangélisation, le dialogue entre les religions, justice, paix et intégrité de la création, l’éducation non formelle (pas seulement les écoles), l’action auprès des enfants de la rue etc. Il est absolument nécessaire que tout cela soit mis en pratique, et ne reste pas au niveau de belles déclarations formelles. D’autant plus qu’au cours de ce Chapitre, nous avons beaucoup insisté sur notre vocation missionnaire, notre spiritualité et notre charisme. Et sur le fait que nous ne sommes pas obligatoirement appelés à travailler en paroisse. Au contraire, le Chapitre a demandé la mise en place d’activités pastorales, autre que paroissiales.
            Pour la mise en place de ce Chapitre, il serait important de dégager des priorités car on ne peut pas tout faire : de mieux analyser les possibilités pratiques, que ce soit en personnel ou en moyens, pour ne pas lancer des choses irréalisables, qui vont nous conduire contre un mur. Par exemple, dans les années passées, nos forces vives ont été essentiellement consacrées à la formation d’enseignants de la philosophie et de la théologie pour le Centre Saint Augustin. N’est-ce pas au détriment de l’évangélisation et de l’action avec les pauvres ? Au cours du Chapitre tout le monde a émis de très bonnes idées. Il faut arriver maintenant à quelques orientations claires, acceptées et mises en pratique par tous.
            Cela pose aussi tout le problème de la formation de nos étudiants : qu’ils aient une véritable initiation à une pastorale missionnaire qui s’adresse aux plus pauvres, et ne se laissent pas prendre à la course aux diplômes. Cela nous demande d’avoir des formateurs, et pas seulement des enseignants dans nos maisons de formation. Et que l’on mette en place une véritable pastorale des vocations. E aussi une formation continue. Qu’elle soit vraiment continue, et ne se limite pas à une rencontre d’une journée chaque année.
           
Au cours de notre Chapitre, conformément aux orientations de la Congrégation, nous avons beaucoup insisté sur l’importance de la vie communautaire. Celle-ci devrait être prise davantage au sérieux, en pmarticulier au niveau de l’argent et de l’utilisation des moyens que nous avons, dans la ligne de notre pauvreté religieuse. Nous devons aussi réagir contre cette tendance à classer et à juger à l’avance les confrères, et à répandre sur eux des opinions négatives, dans nos conversqtions ou par internet.

-Enfin dernière question, qu’est-ce que cela a changé que notre Fondation devienne une Province ?
           



La Bonne Nouvelle aux pauvres : Claude François Poullart des Places.


Avant de parler de Claude, je voudrais déjà signaler combien ce thème de la Bonne Nouvelle aux pauvres est au centre de l’Evangile. C’est pour cela que nous avons prié à partir de cette parole de DIEU (Lc 4, 16-21)  « l’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être libres, dire aux aveugles qu’ils vont voir à nouveau la lumière, libérer ceux qui sont écrasés et annoncer une année de grâces de la part du Seigneur ». Cette année de grâces, je la vois pour nous ici, comme l’année de lancement du 3ème plan d’action pastoral (PAP 3) :
-La communion entre nous, mais aussi en particulier avec les pauvres,
-La sanctification (nous laisser transformer par les pauvres),
-Le témoignage (d’une vraie vie de pauvreté évangélique)
-Le service des pauvres, pas seulement par l’aide et le développement, mais aussi en les défendant (justice et paix).
 Il est donc clair que nous mettre au service des pauvres c’est le centre de la vie chrétienne, et que cela s’adresse à tous les chrétiens. Aujourd’hui, je voudrais parler de Claude Poullart Desplaces, simplement comme un exemple et un chemin : voir comment peu à peu, il a changé de comportement envers les pauvres, et ensuite à quoi cela nous appelle nous-mêmes, ici au Sénégal, en 2013.

Claude Poullart Desplaces est né dans une famille riche. C’était même une famille noble autrefois, mais qui avait perdu ses titres de noblesse. Le père fait tout pour qu’ils retrouvent leurs titres de noblesse, même s’il faut dépenser leur argent pour cela. Donc Claude grandit dans une famille riche, avec tout ce que cela veut dire.

1)Quand Claude est étudiant, c’est un bon chrétien. Il rentre dans une association, une congrégation mariale. Dans cette association, il découvre non seulement la prière, mais aussi l’amour des pauvres. Il va visiter les malades, et il enseigne le catéchisme aux orphelins d’un hospice de la ville de Rennes, où il est né en 1679. Par ce premier engagement, Claude commence à sortir de son monde de riche bourgeois. Il commence à découvrir le monde des pauvres. Lui-même écrit qu’il aime beaucoup faire l’aumône : c’est la première étape !

2)Maintenant Claude Poullart a terminé ses études à Nantes, d’une façon très brillante. Il va devenir avocat. Le rêve de son père, c’est qu’il siège au parlement de Bretagne. Mais à la suite d’une retraite, Claude  sent l’appel de DIEU. Il renonce donc à la gloire, à avoir une place de prestige et à une vie de riche, pour devenir prêtre et se mettre au service de l’Eglise et de ses frères.

3)Pour devenir prêtre, Claude Poullart va faire ses études de théologie à Paris, à l’université de la Sorbonne, tenue par les jésuites. Là encore, il ne se limite pas à ses études. Il a une bourse, et de l’argent que lui fournit sa famille. Il a souci de partager en particulier avec les malades. Il rencontre souvent des enfants travailleurs. Il s’agit de petits qui viennent de Savoie : comme ce sont des enfants, ils peuvent monter plus facilement sur les toits (ils sont souples, petits et ne pèsent pas lourds). Ils gagnent leur vie en nettoyant les cheminées. Bien sûr c’est un travail très difficile, dangereux et très fatigant. Claude prend contact avec eux. Il découvre les conditions de vie et de travail de ces enfants pauvres.

4)De même, il est attentif aux étudiants pauvres de Paris, qui n’ont pas les moyens de se payer des études normales. Il s’intéresse à eux, il apprend à les écouter, et ainsi il découvre leur richesse de coeur. C’est là une nouvelle étape dans la vie de Claude : il ne se contente plus de faire l’aumône, ni même de visiter ou de travailler pour les pauvres, il commence à accueillir leurs qualités, et à recevoir d’eux, après avoir découvert la réalité de leur vie. Il ne décide donc pas seulement de les aider matériellement, mais de les aider à grandir et à développer leurs valeurs et leurs qualités, comme nous le demande la parabole des talents (Mt 25). Ainsi Claude a appris à se mettre véritablement au service des pauvres, et il en est heureux.

5)Nouvelle étape : Claude décide de vivre avec les étudiants pauvres qu’il a contactés. Il loue une maison, d’abord pour quatre ou cinq étudiants, mais le nombre va vite grandir. Il quitte donc le grand séminaire pour partager leur vie, il devient l’un d’entre eux. On pourrait même dire que c’est lui, qui est accueilli chez eux.

6)Il veut partager la vie des pauvres jusqu’au bout, c’est pour cela qu’il renonce volontairement à tous les « bénéfices », et aux avantages financiers, que sa famille et ses études pourraient lui permettre d’avoir. Il veut être vraiment pauvre lui-même, pour être totalement comme ceux avec qui il vit. Il ne garde que la somme d’argent imposée par le diocèse Paris, pour pouvoir être prêtre.

7)Claude passe par un moment de découragement et doute de la valeur de son action : c’est une grande épreuve de pauvreté spirituelle. Il fait une nouvelle retraite, car tout son engagement pour les pauvres a été basé sur la prière, et sur l’écoute de L’ESPRIT SAINT. A la suite de cette retraite, il ne veut pas que cette œuvre, qui en 1703 est devenue la congrégation du SAINT ESPRIT, soit son œuvre à lui tout seul. Il décide donc de chercher d’autres confrères, pour l’aider pour faire marcher cette œuvre. Ce ne sera plus son œuvre personnelle. Claude est arrivé maintenant au dépouillement total.

8)En 1709, l’hiver est très froid. Les hôpitaux sont remplis, et suite en particulier à la guerre il n’y a plus de moyens ni de médicaments pour soigner tous les malades. Claude est devenu totalement pauvre. Il n’a pas de quoi payer l’hôpital, et il reste dans sa maison. C’est là qu’il meurt à l’âge de trente ans. Il n’aura pas un grand enterrement, ni une belle tombe, il est enterré dans  la fosse commune de sa paroisse.

Voilà donc la vie de Claude Poullart Desplaces : d’abord l’aumône, puis la découverte du monde des pauvres en se mettant à leur service, ensuite l’accueil de leurs richesses de cœur, après cela le partage de leur vie en devenant pauvre lui-même, et enfin le dépouillement et la pauvreté spirituelle jusqu’au don de soi total.
On pourrait illustrer cette vie par la parole de Paul (Ga 1,16) : «Le Seigneur JESUS m’a mis à part. IL m’a appelé par sa grâce. Il m’a fait partager l’abaissement du CHRIST, pour être serviteur et frère de tous, pour que je l’annonce aux pauvres. ». Claude a suivi JESUS CHRIST,  dans toute sa vie donnée aux autres, jusqu’à la mort.


Après cet exposé, nous sommes partis en carrefour, autour de la question suivante : Nous-mêmes, comment nous mettre au service des pauvres, dans le Sénégal d’aujourd’hui, à l’exemple de Claude Poullart des Places ?

Diaconia 2013 – Servons la Fraternité
La Bonne Nouvelle aux pauvres
Claude-François Poullart des Places et François Marie Paul Libermann

Chevilly Larue le 29.06.2013


Ce rassemblement nous rend attentif à cette dimension essentielle de notre vie chrétienne qu’est le service du frère. Il se situe dans une démarche de l’Église de France commencée depuis plusieurs années à la suite de l’enseignement de Benoit XVI dans ses encycliques Dieu est amour (2005) et L’amour dans la vérité (2009), qui rappelaient le triple axe de la mission de l’Église : Annonce de la Parole de Dieu (martyria), célébration des sacrements (leitourgia), service de la charité (diakonia). Ce service des autres est essentiel à la mission de l’Église car l’annonce de la Parole, la liturgie et le service de la charité  « sont trois tâches qui s'appellent l'une l'autre et qui ne peuvent être séparées l'une de l'autre. La charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer ». (DCE n°25).

Il s’agit donc de resituer le « service de la charité » au cœur de la vie des communautés à travers une nouvelle prise de conscience que le service du frère est une manière de vivre sa foi à la suite du Christ et par conséquent est l’affaire de tous et pas seulement de quelques services spécialisés. Et si nous le vivons à la manière du Christ, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un « faire » seulement, mais d’une relation de réciprocité à établir avec les personnes en situation de fragilité, proches ou lointaines, pour vivre la fraternité et l’espérance avec elles. Il s’est fait l’un de nous, le serviteur de tous pour devenir frère de tous.

C’est le terme « diakonia, diaconie » qui a été choisi pour  désigner ce qui est visé dans cette démarche. Ce n’est pas un terme de notre langage courant. Il nous vient du grec. Il est devenu un « terme clé » (« diakonein » « diakonos » « diakonia » ) dans le NT où il peut désigner :

- la mission du Christ et sa manière d’être dans ce qu’il fait ; il est venu pour « servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » Mc 10, 45.

-la mission des disciples : Paul, par exemple, parle souvent de sa mission en employant le terme diakonia ; on traduit alors par « ministère ».

-une manière de vivre ensemble des chrétiens qui est conforme à l’Évangile, à la qualité de présence de Jésus parmi eux. « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur – diakonos – de tous » Mc 9, 35).

-La diaconie c’est aussi ce qui assure le lien entre des communautés chrétiennes, par la médiation d’un don ou d’une personne. (Rm. 15,25 et en 2 Cor. 8,9 quand Paul parle de la collecte.)

On voit donc que  le sens du mot a été enrichi par la façon de vivre de Jésus et de ses disciples. Il est très large et pour le traduire il faut recourir à plusieurs termes comme « service », « secours », « assistance » «dévouement», mais aussi  « ministère », « charge ». Même si la charité est au fondement de la diaconie, le sens est plus large que seulement «  charité » ou « œuvre de charité ». Plusieurs mots ou expressions utilisés  aujourd’hui sont proche par le sens, mais ne le recouvrent jamais entièrement : ainsi solidarité, fraternité, justice, option préférentielle pour les pauvres. Enfin Benoît XVI, dans DCE (Dieu Est Amour) dit que la diaconia est « le service de l’amour du prochain exercé d’une manière communautaire et ordonnée. » 

Pour nous aider à vivre en frères, nous faisons appel à 2 témoins, les fondateurs de notre congrégation : Claude-François Poullart des Places et François Libermann. Pourquoi s’intéresser à eux ?  Parce qu’ils ont été en leur temps des initiateurs d’une œuvre qui a traversé le temps, aux conséquences insoupçonnées par eux et qui a mobilisé une foule de personnes au service des autres, proches ou lointains. Il n’est pas simple de servir ; bien des questions se posent pour celui ou celle qui veut s’y engager : comment devenir serviteur ? Comment durer dans un service ? Comment ne pas se servir en croyant servir l’autre ?...les fondateurs ont su correspondre à la grâce qui leur a été faite de devenir des serviteurs. Leur expérience peut nous éclairer, nous inspirer.

Surtout, dans la rencontre avec eux, chacun(e) peut prendre conscience de la grâce de son propre appel et s’unir à eux pour réaliser sa vocation.
















Le témoignage de Claude François Poullart des Places
1679 – 1709

« La congrégation du Saint-Esprit fut fondée le jour de la Pentecôte 1703 par M. Poulart-Desplaces, du diocèse de Rennes, dans le but d'élever des ecclésiastiques destinés à se consacrer aux œuvres les plus délaissées. Longtemps cette œuvre ne subsista que des aumônes de personnes charitables ; le vénérable fondateur allait lui-même les chercher, puis il servait ses élèves de ses propres mains, et leur rendait les services les plus humbles. »[1]

Voilà l’image de Poullart des Places qui est parvenue jusqu’à Libermann, 140 ans après sa mort ; celle d’un homme humble, qui va quêter pour obtenir ce qu’il faut pour vivre, qui se situe au sein de la communauté, dont il est pourtant le supérieur, comme un serviteur des autres.

Né à Rennes en 1679, dans une famille d’ancienne noblesse, il était destiné à permettre à la famille de retrouver son rang dans la noblesse, perdu au moment de la réforme de Colbert. Tout avait été mis en œuvre pour cela et à 22 ans, à la fin de ses études de droit, il était un jeune homme riche, ambitieux, désireux avant tout de prendre sa place et de briller dans la société de son temps. Comment  en est-il arrivé à fonder un séminaire pour permettre à des étudiants pauvres à devenir prêtre pour évangéliser des pauvres ?

Des expériences fondatrices

 Au collège des Jésuites, Claude participe à la « congrégation mariale », où il prie et partage sa foi avec d’autres, mais où il est aussi envoyé visiter des malades. Le vicaire de la cathédrale, l’abbé Bellier, réunit quelques jeunes autour de lui et les envoie à l’hospice auprès des orphelins pour leur faire le catéchisme. C’est peu de choses, mais c’est important pour lui : il franchit les frontières de son monde, il découvre le sort de ces enfants et apprend la joie de les servir. À la fin de ses études, il se décrira comme « aimant beaucoup à faire l’aumône et compatissant naturellement à la misère d’autrui»[2] Cela fait désormais partie de lui.

Au retour de Nantes où il a étudié le droit (1700), il hésite sur son choix de vie : Va-t-il entrer dans le projet des parents ou suivre son propre désir, celui d’être prêtre ? Pour sortir de l’indécision, il suit une retraite auprès des Jésuites, selon les Exercices de St Ignace. En relisant sa vie, il est saisi par l’amour de Dieu à l’œuvre en lui depuis toujours, comme une grâce totalement gratuite qui sans cesse le cherche et jamais ne se décourage de ses faiblesses. Alors toutes ses défenses tombent, il se rend « à tant de poursuites aimables »[3], il se « laisse vaincre »[4], il consent à l’appel du Seigneur. Devant ce Dieu qui l’aime, il peut se regarder lui-même tel qu’il est, avec ses qualités et défauts, qu’il peut nommer : « l’ambition, l’amour de la gloire et du succès, la vanité ».

Cette expérience est décisive pour lui : elle le libère du projet des parents, de ses propres ambitions, de la nostalgie d’un bonheur qui pourrait combler tous ses désirs. Elle lui fait goûter à la joie et la paix d’être avec le Christ. Conscient d’avoir été pardonné et libéré ; il  veut en tout montrer sa reconnaissance à Dieu, son « Libérateur ». Puisque son ambition l’a souvent détourné de Lui, il va la combattre en tout et aura une préférence pour «  les œuvres qui étaient les plus obscures, pour les œuvres abandonnées. » Il ouvre ainsi un chemin original qu’il partagera avec les étudiants pauvres qui lui demanderont de les assister dans leur formation en vue du sacerdoce.

La rencontre des pauvres

Tout à son désir de vivre pour Dieu, et de manifester de la reconnaissance envers son « Libérateur » Claude est heureux  de « pouvoir le soulager dans la personne des pauvres qui sont ses membres. » [5] Il partage d’abord son superflu, puis son nécessaire à des malades, aux petits savoyards, à des étudiants pauvres.

Il ne fait pas seulement des choses pour eux, il s’intéresse à eux, est à l’écoute de ce qu’ils vivent. Il s’aperçoit vite qu’ils portent en eux plein de richesses : « J'en connais plusieurs qui auraient des dispositions admirables et qui, faute de secours, ne peuvent les faire valoir, et sont obligés d'enfouir des talents qui seraient très utiles à l'Église s'ils étaient cultivés.»[6]

Ce n’est pas une relation à sens unique, mais une rencontre où lui-même reçoit autant qu’il donne. Ce texte précise la visée de Claude : pas seulement de leur procurer de la nourriture et un logement, mais de « faire valoir » et « cultiver » leurs « dispositions admirables » et leurs « talents » qui, « faute de secours », restent « enfouis ». Il veut prendre en compte ce qu’il voit en ces jeunes, ce qui est invisible pour un regard superficiel, leurs talents et richesses, pour qu’ils puissent les développer et les mettre au service des autres. Il est dans l’attitude du serviteur selon l’Évangile, qui est heureux  parce qu’il a découvert que l’autre vaut la peine d’être servi et qui trouve sa joie dans la valeur et la réussite de ceux qu’il sert.

C’est dans la rencontre avec eux qu’il découvre son appel particulier. La ferveur spirituelle lui donne l’audace d’entreprendre et, de son engagement auprès des étudiants pauvres, lui vient l’intuition de l’œuvre. Il n’agit plus seulement pour eux, mais « à partir d’eux. »


Sous le signe de l’hospitalité

À partir d’octobre 1702, Claude paye un logement pour 4 ou 5 étudiants pauvres dans une maison juste en face du Lycée Louis-Le-Grand où il vit. Il leur offre l’hospitalité, pas seulement dans une maison, mais dans son cœur. Au début du carême 1703, Claude quitte le collège où il vivait confortablement, pour s’installer dans la maison qu’il a loué pour les pauvres écoliers. Il a 24 ans. Le changement est radical. Logement, nourriture, habillement, loisirs…tout est commun. L’exode continue : de sa maison à la maison des pauvres. Il quitte son monde culturel pour celui de ses jeunes compagnons. D’assistés, ils deviennent des frères de partage. Cette fois, ce sont eux qui l’accueillent parmi eux. Des barrières sont franchies, l’Évangile est annoncé. Cette hospitalité réciproque est source de vie, à la naissance d’une communauté, qui deviendra plus tard une congrégation religieuse. 



Serviteur jusqu’au bout

Ayant rejoint les étudiants pauvres, il va devenir pauvre lui-même. Il renonce à des « bénéfices » qu’on veut lui donner et n’accepte que les 60 livres par an qu’exige l’évêque avant l’ordination, afin d’être plus disponible aux pauvres. En 1704, le nombre des jeunes augmentant, il comprend qu’il lui faut partager sa responsabilité avec d’autres. Ce séminaire ne sera pas « son » œuvre, mais celle d’un groupe de formateurs ; il lui ouvre ainsi un avenir qui n’est plus lié à sa seule personne. Discrète, fragile, la communauté est en fait une prise de position forte par rapport aux maux dont souffre l’Église et le monde de son temps : clergé mal formé soucieux de s’assurer des  bénéfices et inégalités grandissantes entre les différentes classes de la société.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            
Quand survient l’hiver exceptionnel de 1709, puis l’augmentation du prix des denrées et la famine, Claude n’est plus parmi les privilégiés qui ont toujours des ressources pour s’assurer le nécessaire et  des soins de qualité. Son exode à la suite du Christ l’a conduit vers la marge, parmi les pauvres, exposé à la même précarité, aux mêmes privations et risques qu’eux. Aussi, quand la maladie l’« attaque », elle ne rencontre pas beaucoup de résistance. Les hôpitaux sont débordés et il n’a pas les moyens pour avoir des soins efficaces. « Il expira doucement sur les 5 heures du soir le 2 Octobre l'an 1709, âgé de 30 ans et 7 mois. »

En sa mort, il reçoit la marque suprême de l’amour de Dieu pour lui, la grâce de donner sa vie jusqu’à l’extrême, comme son Maître et Seigneur et de parvenir ainsi à son accomplissement. Le terme du chemin met en pleine lumière son appel particulier, qui pourrait s’exprimer à partir des mots de Saint Paul aux Galates (1, 15-16) : « Celui qui m’a mis à part… et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler en moi son Fils en son abaissement,  Serviteur et Frère de tous, afin que je l’annonce aux  pauvres. » Ce visage du Christ l’a séduit. Toute sa vie s’est construite à partir de cette expérience de Dieu et c’est en elle qu’il trouve sa véritable identité.




















Le témoignage de François Marie Paul Libermann
1802 – 1852

Du côté des pauvres
Un prêtre, qui avait été en formation avec Libermann au séminaire Saint Sulpice à Paris, a rapporté une expérience vécue vers 1830-1831. Chaque semaine, ils distribuaient ensemble des vêtements aux pauvres et cela ne se passait pas toujours très bien. Ce compagnon était déconcerté par le comportement violent dont il était témoin. Il a suggéré alors de ne rien donner la fois suivante à ceux qui poussaient ou bousculaient les autres. Il a été encore plus déconcerté par la réaction horrifiée de Libermann : « Eh ! Imposer une pénitence aux malheureux ! »[7] Spontanément, Libermann s’est situé du côté du pauvre. Il était instinctivement touché par leurs besoins. Pour y répondre, il ne se sentait pas prisonnier d’un sens de l’ordre inculqué au séminaire.
La sensibilité de Libermann au sort des pauvres est enracinée dans son expérience personnelle d’enfant juif à Saverne. Son père, Lazare Libermann, était un rabbin « très estimé et très considéré ; on le regardait comme un savant et on venait de loin pour le consulter. »[8] Mais ce même témoignage ajoute qu’il était « pauvre ». Jacob a grandi dans une famille modeste ; à 11 ans, il a perdu sa mère  et dans la rue il a appris ce que cela voulait dire que d’appartenir à une minorité à peine tolérée. Il a ainsi développé une empathie pour le faible, une solidarité avec ceux qui avaient besoin d’une main secourable. Il n’est pas étonnant alors, qu’après son baptême (1826) et son entrée au séminaire de Saint Sulpice, à Paris, ses confrères aient admiré « sa charité et sa compassion pour les pauvres »[9], qu’ils le trouvaient « bien bon et plein d’humilité » [10] à l’égard de ceux qu’il accueillait.
La traversée du désert ou le chemin pour devenir serviteur
Ce sentiment d’être du côté des marginalisés s’est accentué avec le début de son épilepsie. Cette maladie implique une humiliante perte de contrôle et a des conséquences dépressives. Libermann a reconnu avoir pensé au suicide. Elle est aussi un  empêchement au sacerdoce. Pendant des années, Libermann se retrouve sans perspective d’avenir, vivant de la charité du diocèse de Paris d’abord, puis de celle des Sulpiciens, au séminaire d’Issy (1831) où il est l’assistant de l’économe, au service de la communauté. À travers ses épreuves, se creuse son union  au Christ qui lui permet de ne pas perdre pied devant sa propre pauvreté et les situations humiliantes où il se trouve.  Durant toutes ces années, il garde confiance en Dieu qui ne manquera pas de lui indiquer, le moment venu, ce qu’il attend de lui. Il demeure dans la paix et reste « bon et affable pour tous »[11].
Ceux qui vivent avec lui sont touchés par cette paix, cet abandon qu’il manifeste au milieu des difficultés et plusieurs trouvent auprès de lui un auditeur attentif, prêt à les écouter, à partager son expérience et ainsi à les aider dans leur propre cheminement. C’est dans cette disponibilité aux autres que se révèlera son don d’accompagnateur spirituel et de formateur à la vie intérieure. Il devient  animateur spirituel du séminaire.
C’est pourquoi en 1837, les Eudistes, font appel à lui pour leur noviciat à Rennes où il restera jusqu’en décembre 1839. Un avenir semble s’ouvrir. Mais les deux années qu’il passe à Rennes seront une épreuve supplémentaire, «  une période de purification atroce » (P Sigrist) Il se sent inutile. Il éprouve un grand désir de servir et de se donner. « Je ne pus résister au désir ardent qui me poursuivait sans cesse de faire quelque chose pour la gloire de Notre-Seigneur… »[12]
Quand Frédéric Levavasseur, originaire de Bourbon (la Réunion) et Eugène Tisserant, de Haïti, tous les deux préoccupés par le sort des esclaves ou des anciens esclaves font appel à lui pour un projet d’évangélisation des Noirs, il hésite, car le doute s’est insinué dans son cœur. Puis il sent un appel à s’engager dans « l’Oeuvre  des Noirs » et accepte. » Il quitte Rennes le 1er décembre pour présenter le projet à Rome. Ce départ est si douloureux qu’il le compare à une agonie : « Se trouvant dans cette peine extrême sans aucune lumière intérieure de Dieu, il sentit cependant qu’il fallait partir, que Dieu le voulait : mais cette vue était obscure, ce sentiment si faible, tout en lui si sec, qu’il était dans des embarras inexprimables, comme s’il n’eut rien senti. »[13]
Au bout de cette traversée du désert, il sait mieux à présent au service de qui il est : du Seigneur qui l’a saisi « à l’improviste », de ce désir aussi de se donner et de servir qui l’habite. Il est disponible pour la mission avec au cœur deux convictions majeures : « Il faut être saint pour être missionnaire ; il faut agir en pauvre serviteur pour être missionnaire.» (P Coulon)


Un projet missionnaire au service des pauvres

Un regard de compassion

L’Oeuvre  des Noirs ne résulte pas d’une analyse historique ou sociologique en vue d’une stratégie à mettre en œuvre, mais de l’attitude de Levavasseur qui est "touché" par la condition des noirs. Dans le mémoire que Libermann présente  au secrétaire de la Propagande il utilise ce même mot : « Il y a environ deux ans que nous nous sentons touchés très vivement des grands maux qui accablent ces pauvres gens… ». Ils sont « touchés », comme le Samaritain est touché par l’homme tombé aux mains des brigands. Libermann discerne là l’action de Dieu en eux : « Nous nous sommes déterminés aux nègres, ou plutôt c’est Dieu qui a réuni nos esprits et les a touchés du salut des nègres… » (lettre à Dupont, 1842, ND III, 93) Le premier pas nécessaire pour devenir serviteur est de sortir de l’indifférence. 




Un projet qui vient de Dieu et qui est réalisé en Église

Libermann veut fonder une société missionnaire pour les esclaves des Colonies. Il ne s’est pas engagé dans ce projet à la légère, mais parce qu’il a discerné que Dieu l’y appelait. Pour vérifier que c’est bien ce que Dieu veut, il part à Rome pour soumettre le projet à l’Église. Cette démarche est essentielle à ses yeux, car il vit son engagement dans l’œuvre comme une obéissance réfléchie et pesée devant Dieu. Il remet le mémoire où il expose le projet à la Propagande. Il ne cache pas qu’ils sont peu nombreux (8, et des jeunes dont 3 pas ordonnés) et que lui-même n’est pas ordonné. Par la suite, il ne fait aucune démarche particulière pour jouer des influences en faveur du projet (« ne jamais faire de démarche oblique » L. à Dom Sallier 1840). Il attend, disposé à se conformer à la décision (pas de lobbying).

Cette remise au discernement d’autres personnes, avec le risque d’être désapprouvé, est une étape indispensable pour un réel service des autres. Agir ainsi libère de ce que Libermann va appeler l’ « esprit propre », c’est-à-dire de cet attachement à ses propres vues qui peut devenir un enfermement et un appauvrissement de l’intuition initiale. Ce qui était le projet de quelques-uns devient une Œuvre d’Église où d’autres pourront s’engager. Même si le projet est amendé, ce qui peut l’affaiblir, il devient l’affaire de beaucoup de personnes, d’un groupe, d’une institution et trouve là une force nouvelle.

Dans une véritable rencontre

Il ne s’agit pas seulement de faire des choses pour ceux vers qui ils sont envoyés, mais d’entrer dans une relation évangélique : (Ch IX, 3) « Ils auront un soin et une tendresse sainte et toute particulière pour les pauvres et les plus malheureux selon le monde…sans trop examiner s’ils le méritent ou non. » (IX, 7)  « Leur manière d’agir avec ces pauvres âmes dans tous leurs rapports avec elles sera simple, douce, cordiale… » (IX, 6) Ils seront les avocats, les soutiens et les défenseurs des faibles et des petits contre tous ceux qui les oppriment. »  Tous ces passages soulignent que le service se vit dans une relation, une rencontre où tout l’être est engagé, y compris le cœur et la capacité de compassion. 
Mais l’amour dont il est question est « fort », i.e. capable aussi de « défendre », de s’opposer à celui qui opprime. Ce passage parle de justice et paix. La justice est la condition de toute relation libre et vraie.

Une action missionnaire au service des pauvres
Libermann est reconnu comme "l’ami des Noirs", mais « il se méfie comme la peste des combats idéologiques qui divisent et occupent des forces qui devraient se mettre en totalité au service de l’annonce de l’Évangile…Il refuse d’être d’une école, d’un mouvement, d’une faction, d’une manifestation… » (MSp 9 p.77) Il souhaite l’abolition de l’esclavage, accepte de faire distribuer des brochures, mais ne signera pas la pétition en raison de sa position de supérieur d’une société missionnaire. En France, les courants abolitionnistes « n’appartenaient pas aux courants catholiques et même souvent les combattaient ». Le clergé des colonies, très dépendant du pouvoir et plus occupé à la pastorale auprès des propriétaires et des blancs, avait peu de latitude pour s’exprimer vraiment et faire avancer l’émancipation. « La dynamique missionnaire était donc bien dissociée de la destruction de l’esclavage. Il fallut les intuitions de Libermann et de ses compagnons pour les confondre en un seul mouvement. Mais…leur action ne se joindrait pas aux tentatives abolitionnistes de masse…et se déroulerait sur un autre registre…Libermann savait l’esclavage condamné ; son entreprise allait au-delà de ce combat et visait l’évangélisation des anciens esclaves, mais aussi, une immense ouverture du continent noir ». (Brasseur dans Coulon p.332)

Libermann ne se laisse pas enfermer d’un côté ou de l’autre, mais il s’engage dans le sens de l’histoire en marche et voit le rôle que l’Évangile peut jouer dans cette situation. Il prend le parti des esclaves noirs, pas par idéologie, mais «  en Christ », parce qu’avant lui le Seigneur a donné sa vie pour tous et que « le grand St Paul a été envoyé aux vils gentils » (lettre à Féret) ; il manifeste un amour de préférence pour les pauvres « nègres ». (MSp 6, p. 33) 
Il travaille à une transformation de la vie des personnes et des sociétés face aux logiques dominantes du monde. En tant qu’elle est au service de la fraternité entre tous, la diaconie concerne en effet la société dans son ensemble et prend aussi une dimension "politique", en agissant pour le bien commun.


Des œuvres sociales en Europe

À la même époque, l’industrialisation de l’Europe entraîne bien des maux : domination de l’argent, esclavage des hommes, travail des enfants, nouvelles pauvretés. Libermann est tout orienté vers les colonies et l’Afrique, mais pour autant il n’est pas indifférent aux pauvres autour de lui et sera parmi les précurseurs de l’apostolat social.

Il voudrait travailler au salut des pauvres, c’est-à-dire « les ouvriers en général » auxquels il ajoute « les matelots, les soldats, les galériens, les prisonniers, les mendiants » (ND IX  292, lettre à Levavasseur, 14 oct 1847). Dans cette même lettre il ajoute « Il est vrai que, dans les commencements, nous n’y avons pas pensé mais ceci n’est pas une preuve que Dieu ne l’a pas voulu. » Il voit que « bien des prêtres et laïcs zélés s’en occupent…mais qu’aucune œuvre n’est formée à ce dessein…parce que…ce besoin n’existait pas. » (Ibid.) Comme pour l’Afrique, il pense à une formation religieuse, mais aussi profane et même l’amélioration de leur sort matériel. Il voit la nécessité de passer des initiatives individuelles à un plan d’ensemble. Les événements politiques l’empêchèrent de de mener ces projets à bout, mais il restait convaincu que les œuvres sociales « faisaient intégralement partie du soin des âmes délaissées. » (Koren dans Coulon p. 737) Avoir des œuvres en Europe lui paraissait nécessaire pour la congrégation. Il s’en explique, dans une lettre à Dom Salier, un ami de St Sulpice, du
30 mai 1851, moins d’un an avant sa mort : l’expérience africaine lui a montré que tous les membres de la congrégation n’auront pas la santé suffisante pour aller en Afrique, ils trouveraient leur mission ici : missions rurales, classe ouvrière des villes, œuvres extra-paroissiales pour ceux qui ne viennent pas à l’église par ailleurs. Il pense aussi que des œuvres en France donneront un certain poids à la congrégation ici et étayeront celles d’Afrique. Il voit enfin qu’il y a bien des âmes abandonnées ici, ignorées par les paroisses. ( Spir 4, 366 ; ND XIII, 170)

À partir de 1848,  comme 11e supérieur de la congrégation du St Esprit, installée rue des Postes à Paris (rue Lhomond), Libermann « se trouva au centre de toutes les initiatives importantes…il n’en est guère, même et surtout en ce qui concerne les œuvres sociales, auxquelles il n’ait pas été mêlé à un titre quelconque. » (Spiritus 4,365). Liens avec Ozanam, fondateur de la Société de Saint Vincent de Paul, avec Rosalie Rendu, Sœur de la Charité à l’œuvre dans la rue Mouffetard,  et bien d’autres… Il maintiendra cette habitude d’accueil envers les pauvres vivant autour de la maison. Les ouvriers y viendront par centaines pour des temps d’enseignements et de prière, pour se préparer aux sacrements, mais aussi pour y recevoir de « bons légumes » et des vêtements. 

À la suite du Christ Serviteur

Le 19 novembre 1847, à la fin d’une lettre à la communauté de Dakar et du Gabon il écrit :
« Ne jugez pas au premier coup d'œil ; ne jugez pas d'après ce que vous avez vu en Europe, d'après ce à quoi vous avez été habitués en Europe, dépouillez-vous de l'Europe, de ses mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres avec les nègres, et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l'Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C'est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ. »

Ce texte suit la structure de la lettre de St Paul aux Philippiens (2, 5-11). Ce qui inspire profondément toute initiative missionnaire ou toute œuvre sociale doit être d’entrer dans la manière d’être et d’aimer de Jésus. Lui nous conduit à devenir serviteur, dans un chemin de sortie de soi à la rencontre de l’autre, de dépouillement de soi, de don de soi comme Lui sur  la croix : « faites-vous à eux, comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… » Et ceci non pour quelque profit ou récompense personnelle, mais pour leur élévation, pour les « perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. »

Pour désigner ceux à qui les missionnaires s’adressent, Libermann utilise le mot « nègre » et non noir, car il s’agit de l’homme noir dans sa « situation historique marquée par la traite et l’esclavage ». [14] « D’objets de traite, ils deviennent par l’action de Dieu en Jésus-Christ des sujets en qui se manifestent les « merveilles » de la puissance de Dieu. »[15] Le but de la mission est cette « résurrection des "nègres" comme peuple de Dieu "gagné à Jésus-Christ"…solidaire d’un seul corps, le Corps du Christ. » Mais il ne peut se réaliser que dans l’union au Christ dans sa démarche de Serviteur, qui nous lave les pieds et se livre entre nos mains.



Au cœur de la vie de nos fondateurs, Poullart des Places et Libermann, nous rencontrons la même figure du Christ qui s’abaisse pour se faire Serviteur et Frère de tous. À sa suite, ils ont été fondateurs, incarnant dans leur œuvre l’amour préférentiel du Christ pour les pauvres. Cette expérience nous rassemble en communauté religieuse et est au cœur de notre vie missionnaire. Ce forum est l’occasion de la partager largement avec vous. Que leur témoignage nous aide tous aujourd’hui à nous mettre avec courage et créativité au service de nos frères.







[1] Libermann, Notice sur la Congrégation du Saint-Esprit et de l’Immaculée Cœur de Marie, et sur ses œuvres, dans P. Coulon et   
   P.Brasseur, Libermann (1802-1852), une pensée et une mystique missionnaire, Paris, Cerf 1988, p. 663-669.
1 DM, p. 279
[2] DM P. 304.
[3] De Mare, p. 279
[4] De Mare, p. 282
[5] Ko Thomas, p. 266, Coulon p. 180.
[6] Besnard dans Koren p. 282 ; Coulon p. 205.
1 ND 1, 127. Cité par  B Kelly dans « L’engagement spiritain pour JPIC », Maison Généralice, Rome.
[8] ND 1, 15.
 [9] ND 1, 127
[10] ND 1, 127.
[11] ND 1, 300.
[12] ND 1,  676.
[13] ND 1,  664, Mémoire de Tisserant.
[14] MSp 16, p. 75.
[15] Ibid. 74

Fraternités Spiritaines : Esprit et Mission
Rencontre de Pikine du 21-4-2013.
  

Cette rencontre des Fraternités de Pikine, Ouakam, Ngueniène et «Marthe et Marie » a été comme d’habitude préparée par une Réunion du bureau, où nous nous sommes donné des Nouvelles des fraternités.
Nguèniène : Avec le P. Christian, le dimanche 24 février 2013, nous avons reçu une formation sur le chemin de conversion de Claude François Poullart des Places, dispensée en même temps par Jacques Sarr en sérère. Avec le P. Armel, 46 jeunes ont répondu à l’invitation le samedi après-midi 9 mars à débattre sur le thème « Amour et sexualité ». Le lendemain, le P. Armel a pu rencontrer quelques membres de la fraternité, et un bilan du vécu des 2 fraternités a été fait. Le P. Armel a recommandé une plus grande intégration des membres de la Fraternité spiritaine dans la vie de la paroisse. Après Pâques, a eu lieu une rencontre de nos étudiants en théologie avec les jeunes de Nguèniène, pour témoigner de leur vocation et échanger avec eux.
Ouakam : Une récollection animée par le P. Jean François Diagne sur le thème : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,23), a réuni le dimanche 17 mars une dizaine de membres des Fraternités de Ouakam et Marthe et Marie.
Emmanuel a souligné le fait que lorsqu’il invite des jeunes à rejoindre la fraternité, ceux-ci souvent au chômage lui répondent qu’il leur faut d’abord trouver un travail. La fraternité ne pourrait-elle pas aider à cette recherche d’emploi ? Soeur Térèsa a rappelé que celle-ci est aussi un lieu où l’on peut puiser dans la prière et le partage fraternel l’énergie nécessaire pour sortir du chômage.
St Paul de Grand Yoff : Le P. Armel a essayé d’organiser une première rencontre.  A ce sujet, on a noté qu’il ne faudrait pas que les Fraternités se limitent aux paroisses tenues par des spiritains. Il faudrait contacter nos amis laïcs vivant dans les autres paroisses. On a rappelé qu’au Cap des Biches, le P. Joseph Lambrecht avait demandé que la communauté spiritaine de Saint Louis soit aidée pour le lancement d’une fraternité.
Rencontre du dimanche 21 avril à Pikine
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1/Nous n’avons pas voulu faire à nouveau une conférence, mais plutôt que chacun partage ce qu’il connaît de la spiritualité de Claude Poullart, de François Libermann et d’Eugénie Caps ? Comment ces spiritualités nous aident-elles à faire grandir notre vie et notre foi chrétienne ? Vous pouvez nous demander l’ensemble des réponses apportées, et aussi un résumé de leur vie. Nous avons noté que nous connaissons très mal la vie et la spiritualité d’Eugénie Caps. Le père Armel a terminé  la réflexion en rappelant quelques points essentiels de la spiritualité du père Libermann, c’est-à-dire sa façon de vivre l’Evangile, à partir du livret : »Tu as mis sur moi ta main » : le désir de la sainteté et la paix intérieure, la docilité à l’Esprit Saint, la pauvreté spirituelle, la douceur et l’humilité de cœur, l’union pratique (c’est-à-dire être unis à Dieu dans tout ce qu’on fait), la confiance et la patience devant les difficultés. Sœur Madeleine a été déléguée par la fraternité pour témoigner de celle-ci au moment des annonces de la messe de 10h00, à la paroisse de Pikine.
2/ L’après-midi, nous avons commencé avec la question : « Comment vivons-nous la dimension missionnaire de la fraternité, dans la vie sociale comme au sein de la communauté chrétienne ? »
«Des débats, nous sommes arrivés à la conclusion qu’être missionnaire pose comme condition préalable la docilité à Dieu par l’entremise de son Esprit. Il s’agit d’admettre l’Esprit Saint comme lumière, compagnon et guide, dans la paix et le calme. Nous en voulons pour preuve, la manifestation du saint Esprit aux apôtres à la Pentecôte : avoir soif de Dieu, nous soutenir dans nos  démarches vers les autres, faire de nos échecs une force de réussite, faire connaître Jésus, le faire aimer, avoir le sens de partage de ses biens matériels, agir pour les malades, les prisonniers, les pauvres et les laissés pour compte. Etre missionnaire, c’est somme toute, se doter de l’esprit de zèle pour la gloire de Dieu. Où peut-on être missionnaire? Eh bien, nous sommes missionnaires à la maison, à l’église,  dans notre lieu de travail, au sein d’organisations non chrétiennes, dans les ASC (Associations Sportives et Culturelles), etc… »
3/Nous avons ensuite proposé un réaménagement des réunions de la fraternité spiritaine pour que notre fraternité soit vraiment un groupe de réflexion et d’actions. Comme nous le rappelle notre titre : Esprit (Spiritualité) et Mission
1° réunion = Spiritualité: nous lisons la lettre du mois, comme d’habitude (un mois sur deux)
réunion = Mission (en alternant avec la 1°):
 1) nous disons comment nous avons été missionnaires pendant le mois
2) nous voyons les actions que nous avons menées. Ces actions peuvent être de 2 sortes :
-chacun dit les actions qu’il a menées dans sa famille, son quartier, son lieu de travail et partout. Ce ne sont pas des choses extraordinaires, mais des petites actions de chaque jour
-des actions de la fraternité, menées tous ensemble. Par exemple à Nguéniène, la Fraternité  a commencé une réflexion avec les jeunes, pour que les jeunes filles ne quittent pas le village pour aller chercher du travail en ville, avec tous les dangers et problèmes que cela comporte. Ils ont aussi décidé de travailler ensemble pour remplir la caisse. Et de réfléchir à la décentralisation et aux collectivités locales pour préparer les élections de 2014. En ville, ce pourra être venir en aide aux jeunes en chômage. Par exemple les former dans la transformation de fruits, la vente de jus de fruits et d’autres activités lucratives. Comme le fait par exemple Thérèse Fatima avec des élèves pendant les vacances, pour qu’ils s’achètent eux-mêmes leurs fournitures scolaires.

Nous allons essayer ce nouveau programme, et on en parlera à la prochaine réunion de bureau. Nous comptons sur chacun des confrères pour faire naître une Fraternité là où il vit. Que l’Esprit nous guide et nos en donne le courage !


2. COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE DES FRATERNITES SPIRITAINES
A NGUENIENE

La communauté sérère :
1.       La lettre du mois est très bien. Elle nous enseigne beaucoup de choses. Elle nous aide à mieux vivre dans nos quartiers. Nous devenons capables de supporter beaucoup de choses. Cela nous permet de résister aux sectes qui viennent de la ville.
Nous avons choisi Marie Madeleine comme patronne parce qu’elle a la foi. Elle est toujours avec Jésus. Elle nous aide à l’aimer et aussi à mieux nous aimer avec nos maris et nos enfants.
Elle a été la première missionnaire pour les apôtres et pour tous les chrétiens.
2.       Pendant le carême, je conseille mes amis : »Il ne faut pas parler comme ça ». Conseiller ses amis, c’est déjà de l’évangélisation. Ce n’est pas obligé que les gens changent de religion, ce qu’il faut c’est qu’ils changent leur vie.
3.       Il y a seulement deux sœurs spiritaines sénégalaises, et en ce moment aucun étudiant sénégalais en théologie. Il faudrait donc que nous fassions un gros effort pour les vocations.
4.       L’Evangile commence à la maison. Après la réunion, j’explique à mes enfants ce qu’on a dit.
5.       Nous avons ensuite préparé la venue des étudiants

Le groupe français :
« Moi ce qui m’a intéressé c’est que je suis le seul chrétien dans ma concession. La messe ne suffit pas, pour vivre en chrétien. Et souvent à la messe, je rêve. Pourtant j’ai ma vocation chrétienne, et j’ai un rôle important à jouer. Et c’est très difficile d’avoir quelqu’un pour nous encadrer. La fraternité nous soutient beaucoup pour cela. C’est vraiment un lieu fort, qui me donne des références. Notre équipe s’appelle Fraternité du Cœur Immaculé de Marie, parce que c’est la patronne des spiritains.
Je suis venu dans la Fraternité par invitation, parce que je cherchais à renforcer ma foi. J’ai trouvé cette équipe. Les lettres de chaque mois m’aident beaucoup dans ma réflexion et au renforcement de ma foi, parce que c’est très appliqué à la vie d’aujourd’hui. Comme les apôtres qui, malgré tous leurs problèmes, sont restés fidèles au Seigneur.
Notre fraternité est très dynamique, sous la direction des sœurs qui nous soutiennent beaucoup ».

Nos actions :
·         Nous avons organisé une conférence, pour les jeunes parce qu’il y a beaucoup de problèmes par rapport à leur comportement sexuel, et les parents ne parlent pas de cela avec leurs enfants.
·         Dans la Fraternité, nous ne voulons pas nous limiter au partage, nous voulons aller vers la population. Et nous impliquer davantage dans la société.
·         Comme projet d’action, il y a aussi tous les couples qui ne sont pas en règle. Nous allons parler avec eux, et les aider à avancer dans le chemin de Dieu.
·         Mais il nous faut penser aussi à ce qui se passe dans la société, et commencer à nous préparer pour les élections locales.
·         La Fraternité est importante pour vivre en chrétien. L’âne qui ne va pas boire, il meurt de soif.
·         Dans nos communautés chrétiennes, il y a beaucoup de choses qui vont contre la foi. La Fraternité redonne sens à ma vie.
·         Je ne suis pas doué pour parler en public, mais la rencontre avec les spiritains au Cap des Biches m’a beaucoup encouragé pour cela. (Voir le compte rendu ci-joint).
·         En projet, nous avons la mise en place d’une AGR (Activité Génératrice de Revenus) pour aider les plus démunis, et pour fixer les jeunes dans le monde rural.
·         Nous avons demandé à M. Jacques Sarr de mettre par écrit son exposé, sur les esprits dans la tradition sérère.
·         Les deux groupes sont importants, pour que chacun puisse comprendre la Parole de Dieu dans sa propre langue. Mais nous avons de temps en temps des rencontres ensemble. Par exemple, nous avons fait le 6 janvier un exposé sur Eugénie Caps, qui a été traduit ensuite en sérère.

Propositions :
1.       Pour la caisse : c’est difficile d’avoir un champ collectif mais on pourrait au moins demander à chacun au moment de la récolte de donner quelques kilos de mil ou des arachides, que l’on pourrait vendre pour remplir la caisse.
2.       Le Père Joseph Lambrecht nous avait dit qu’il voudrait démarrer une Fraternité à Saint-Louis. Il faudrait trouver les moyens de payer le voyage jusque là bas.
3.       Il faudrait que les parents qui ont assisté à la rencontre des jeunes, en parlent avec leurs enfants, pour voir ce qu’ils ont retenu. Et ce qu’ils veulent faire, pour mieux vivre leur sexualité et leur avenir, en particulier le mariage.


1.Fraternités Spiritaines : Esprit et Mission
Rencontre de Pikine du 21-4-2013.
  

Après avoir adopté l’ordre du jour, les membres répartis en 3 groupes ont muri des réflexions sur la spiritualité des fondateurs, les pas desquels ils ont choisi de suivre et dont ils partagent la spiritualité. Il s’agit des Pères François Libermann, Claude des Places, et Eugénie Caps.
Nous avons le loisir de vous présenter la mise en commun des réflexions faites.
D’abord, qui est Claude  Poullart des Places ? Claude Poullart des Places est né dans une famille riche. Celui dont les parents avaient voulu faire un juge, mieux le président du tribunal de Bretagne, a renoncé  au luxe de la bourgeoisie pour se mettre au service de Dieu. Il devient alors un grand missionnaire. D’abord au séminaire chez des Jésuites, il fonda l’école des pauvres écoliers dont la finalité était de former les pauvres c’est-à-dire  aider les étudiants démunis qui vont à leur tour évangéliser les pauvres. Il fonda ensuite la congrégation du Saint Esprit pour en faire des missionnaires.
S’agissant de Père François Libermann, son chemin vers la croix de Jésus sera semé de diverses embûches. Issu d’une famille Juive, il va renoncer au titre de Rabin. Suite à des rumeurs, son père l’a rappelé à l’ordre en le soumettant à des questions au sujet de sa formation à Strasbourg : chose miraculeuse, Il répond avec brio  aux questions, satisfaisant ainsi aux attentes de son père, qui le laisse alors partir à Paris, Car Dieu en a décidé ainsi. Il va découvrir le Christ. Il marche sur le chemin de Jésus qui le fascine fort. C’est l’invitation à être un Grand missionnaire. Une mission des plus séduisantes quoique semée d’entraves. Commence alors sa montée vers Golgota qui sera le passage le conduisant à la sainteté. Le Révérend Père Libermann a indéfectiblement choisi de suivre Jésus et de lui obéir mais surtout de croire en la providence. Il est baptisé le 24/12/1826. Son père déçu, le maudit, surtout que son frère Samson s’était déjà converti. Il doit être ordonné sous-diacre. C’est alors que commencent ses crises épileptiques. François Libermann est mis à l’écart mais il reste au séminaire et s’occupe de la formation  des jeunes prêtres pendant deux ans. Un ami l’amène à Rome où il va présenter son projet de congrégation missionnaire au Pape. Peine perdue. Il y passe deux ans de misères et de peine. De là, il se rend en pèlerinage à Notre Dame de Lorette (construite avec les restes de la maison de la Vierge Marie et de Joseph). Il y reçoit une guérison miraculeuse : il est guéri de l’épilepsie. Il est ordonné prêtre et fonde la congrégation des pères de Saint Cœur de Marie. Il forme d’abord 10 prêtres qu’il  envoie à Dakar. Ensuite, Rome demande la  fusion de la congrégation de Poulart des Places avec sa congrégation et enfin meurt le 02/12/1852 en déclarant en substance : « soyez fervent, toujours fervents. Ayez de la charité, beaucoup de charité et l’union en Jésus Christ. Je suis heureux de me voir sacrifié pour Jésus. L’homme n’est rien sans le zèle pour la gloire de Dieu ». C’est l’expression d’un homme fasciné par l’Amour salvateur.
Quant à Eugénie Caps, ayant préalablement reçu une vocation missionnaire, elle est devenue religieuse par providence. En tout état de cause, du retour de la guerre de son frère  revenu sain et sauf, dépend son engagement religieux, bien qu’elle soit soutien de famille. Elle  été inspirée par une poésie de Monseigneur le Roi (Spiritain), et partage la spiritualité de Libermann et  Poulart des Places C’est alors qu’elle se fie au Saint Cœur de Marie et obtient miraculeusement gain de cause. Et donc, elle s’engage après avoir rencontré son évêque. Comme pour Poulart  des Places et François Libermann, des murs incommensurables se dressent sur son parcours : déboires financiers, brouilles familiales. Elle crée enfin la congrégation des sœurs  de Saint de Marie qui deviendra plus tard la congrégation des sœurs spiritaines. Mais son souhait d’aller évangéliser les noirs (notamment au Cameroun)  ne s’est jamais réalisé. En somme, le parcours presque identique des trois personnages, nous indique toute la démarche qui mène difficilement mais sûrement à la sainteté. Tour à tour, ils ont rencontré, contemplé et enfin se sont appuyés sur le Saint Cœur de Marie pour déplacer des montagnes.  
Nous nous sommes épanchés principalement dans l’après-midi sur la question suivante : comment être missionnaire ?
Des débats, nous sommes arrivés à la conclusion qu’être missionnaire pose comme condition préalable la docilité à Dieu par l’entremise de son Esprit. Il s’agit d’admettre l’Esprit Saint comme lumière, compagnon et guide dans la paix et le calme. Nous en voulons pour preuve, la manifestation du saint Esprit aux apôtres à la Pentecôte. Alors qu’ils étaient timorés et prostrés, il est venu les          revigorer d’abord à travers des vents impétueux, mais aussi en langue de feu se posant sur la tête de chacun des apôtres. N’est-ce pas une couronne royale pour de grandes missions ? Ainsi fortifiés et affranchis, ils ont accompli de grands exploits pour la gloire de Dieu. Il faut également être dévoué à la gloire de Dieu en s’efforçant de vaincre ses défauts, être extrêmement humble, docile et souple, avoir un désir ardent de souffrir (porter allégrement sa croix), avoir le courage de travailler sérieusement, vivre en communauté et en fraternité sans aucune ségrégation dans un ordre solide, même en petit nombre bien fervent, se vêtir de longanimité à toute épreuve, accepter les autres dans leur différence, avoir soif de Dieu, nous édifier dans nos  démarches vers les autres, faire de nos échecs une force de réussite, faire connaître Jésus, le faire aimer, avoir le sens de partage de ses biens matériels, intercéder pour les malades, les prisonniers, les pauvres et les laissés pour compte.
Etre missionnaire, c’est somme toute, se doter de l’esprit de zèle pour la gloire de Dieu.
Il s’en est suivi la question suivante : où peut-on être missionnaire?
Eh bien, nous sommes missionnaires à la maison, à l’église,  dans notre lieu de travnail, au sein d’organisations non chrétiennes, dans les ASC (Associations Sportives et Culturelles) etc.
Nous avons clos nos travaux par un réaménagement de la fraternité spiritaine à savoir :
-        Trouver des voies et des moyens pour venir en aide aux jeunes en chômage en les utilisant dans la transformation de fruits, dans la vente de jus de fruits et dans diverses autres activités lucratives.
-        Paul Marc Mané a été choisi pour suppléer le poste de trésorier vacant
-        La poursuite des rencontres mensuelles, en petites fraternités ou fraternités  de base, est maintenue.
-        Les cotisations mensuelles symboliques de 500 sont aussi maintenues.
La prochaine réunion du bureau est prévue le 31 Mai à Ouakam chez les sœurs spiritaines : ordre du jour : préparation de la prochaine assemblée générale prévue le 23 Juin à Ouakam.
  Paul Marc Mané                                     

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