MISSIONNAIRES SPIRITAINS
Suite à notre dernier chapitre des
Spiritains de la Province d’Afrique du Nord Ouest (PANO), nous nous sommes
demandé comment mettre en pratique certaines des décisions les plus importantes
pour être véritablement missionnaires, selon notre charisme et notre
spiritualité.
Nous nous sommes d’abord remis face
à la Parole du Seigneur en écoutant ce qu’Il disait dans la synagogue de
Nazareth (Luc 4, 16 à 21) : « Les pauvres sont évangélisés ».
En effet ce sont les deux mots les plus fréquents qui sont revenus dans notre
chapitre : évangéliser et attention aux pauvres.
1 – Agir au sein de l’Eglise
En tant que missionnaires, il est
essentiel que notre action se situe à l’intérieur de l’action de toute
l’Eglise. Nous avons rappelé, à ce sujet, ce que nous vivons
actuellement : le lettre sur la Joie de l’Evangile et la lettre sur
l’écologie « Béni sois-tu », le Synode de la Famille, la fin de
l’année de la vie consacrée et l’ouverture de l’Année de la Miséricorde. Nous
avons rappelé également tout ce que le Pape François ne cesse de nous dire, en
particulier ces deux choses : allez à la périphérie, c’est-à-dire auprès
de ceux qui sont loin, pas seulement pour des raisons géographiques mais parce
qu’ils sont écrasés, rejetés et mis à l’écart. Et deuxièmement lutter contre la
civilisation du déchet, où l’on traite les hommes selon leur rentabilité, où
l’on rejette ceux qui sont vieux, malades, handicapés, tous ceux qui ne sont
pas rentables et que l’on traite comme des ordures. Comment évangéliser dans ce contexte? Comment
être les soutiens, les défenseurs et les avocats des pauvres comme nous le
demande notre règle de vie ?
Notre action doit se situer
également dans la vie du monde. Juste un exemple : la semaine
dernière, nous avons vécu la Journée Mondiale de la Jeune Fille, avec tous ses
problèmes : la place de la femme dans la société, l’exploitation des jeunes
filles, l’excision, les grossesses indésirées, les mariages forcés etc. Cette
semaine, nous avons fêté la Journée Mondiale de l’Alimentation, en nous
rappelant ce que disait François à la FAO : les pauvres n’ont pas besoin
seulement de soutien, ils ont d’abord besoin de respect et de dignité. Et ce
qu’il a dit dans son discours ce jour là : il est absolument inadmissible que
des gens continuent à mourir de faim, alors qu’on gaspille la nourriture. Et
que 80 % de la population mondiale n’ait pas de sécurité sociale. Cela c’était
vendredi. Le lendemain samedi, c’était la Journée Mondiale de l’ONU, du rejet
de la misère. Nous ne pouvons pas être citoyen du monde, si nous ne luttons pas
de toutes nos forces contre la misère en nous rappelant que cette Journée
Mondiale du rejet de la misère a été lancée par le Père Mzwrelinski, le
fondateur de ATD / Quart Monde. Il s’agit pour nous de voir concrètement les
conditions de vie des populations, dans les pays où nous travaillons en Afrique
de l'Ouest (Pano) : la Guinée Conakry où Ebola reste toujours un danger,
et où la suite des élections est inquiétante à cause des contestations ;
la Guinée Bissau avec l’insécurité et la pauvreté grandissantes ; le
Sénégal avec l’avancée du désert et la différence de plus en plus grande entre
les riches et les pauvres ; la Mauritanie avec les tensions entre les
populations noires et arabes etc.
2 – Notre règle de vie :
La mission de la PANO doit
s’intégrer dans le cadre de la Mission générale de la Congrégation. Nous avons
rappelé certains points de notre règle de vie spiritaine.
N° 9 : l’Esprit répand
en nos cœurs l’Esprit du Père (Romains 5, 5) qui éveille en nous le zèle
apostolique. Cela se manifeste par un grand désir de voir s’établir cet amour
chez tous les hommes. Nous nous demandons quelle est la qualité et la
profondeur réelle de notre amour pour Dieu et pour nos frères, concrètement,
dans la vie de chaque jour.
N° 10 : l’Esprit nous
appelle à une conversion continuelle. Il façonne notre vie personnelle et
communautaire. Il nous fait participer
aux mystères de mort et de résurrection de Jésus et nous prépare au don
total de nous-mêmes pour le Royaume.
Dans quelle mesure nous laissons-nous conduire par l’Esprit ?
Est-ce que nous vivons une conversion continuelle, aussi bien au niveau
personnel que communautaire ? Comment mieux participer aux mystères de la
mort et de la résurrection de Jésus Christ dans notre apostolat ?
Est-ce que nous nous donnons totalement au Royaume ? Cela pose en particulier la question de la prière
communautaire, de la révision de vie, du partage d’Evangile etc.
N° 11 : Nous participons
en Eglise à la mission du Christ proclamant un salut qui est don de Dieu,
libération de tout ce qui opprime l’homme, joie de connaître le Seigneur et
d’être connu de Lui, en communion avec Lui et tous les hommes.
Là
aussi quelques questions : comment notre travail s’inscrit
véritablement dans le travail de l’Eglise et dans la mission du Christ ?
Est-ce que nous savons d’abord accueillir le salut de Dieu comme un don, avant
de l’annoncer aux autres ? Est-ce que notre travail apostolique est
vraiment une libération de tout ce qui opprime l’homme, de tous les
hommes ? Sommes-nous heureux de connaître le Seigneur, et comment
partageons-nous cette joie ? Sommes-nous vraiment en communion avec tous
les hommes, en particulier avec les plus petits, ceux qui sont les plus loin,
ceux qui sont rejetés et méprisés? Ou
bien sommes-nous seulement en lien avec ceux auprès de qui nous nous
sentons à l’aise ?
N° 12 : Nous allons de préférence :
1.
Vers ceux qui
n’ont pas encore entendu le message de l’Evangile ou qui l’ont à peine entendu
2.
Vers les opprimés
et les plus défavorisés individuellement et collectivement.
3.
Là ou l’Eglise
trouve difficilement des ouvriers.
Est-ce que nous allons vraiment en priorité vers ceux qui n’ont pas
encore entendu l’Evangile, ou bien est-ce que nous ne nous laissons pas
enfermés dans nos paroisses? Et dans ces paroisses, est-ce que nous allons
vraiment vers les opprimés? Ou bien travaillons-nous avec les gens les plus
formés, les plus proches de nous, les plus favorisés.
N° 14 : Nous considérons comme partie constitutive de notre
mission d’évangélisation :
1.
La libération
intégrale de l’homme.
2.
L’action pour la
justice et la paix.
3.
La participation
au développement
Où en sommes-nous à ces trois niveaux ? Il serait important que
chacun personnellement, chaque communauté, et la PANO en tant que telle, fasse
l’évaluation de notre engagement réel sur ces trois points.
N° 16, 1) : Afin que le
témoignage chrétien rejoigne les hommes dans leur culture, et devienne une force
de libération dans l’histoire actuelle de chaque peuple, nous favorisons de
tous nos moyens une rencontre féconde entre l’Evangile du Christ et les
traditions culturelles et religieuses locales.
Est-ce que nos efforts d’inculturation ne se limitent pas trop à la
liturgie, quand ils existent? En tant
que missionnaires, nous sommes souvent étrangers dans la culture où nous
vivons. Cela est un appel supplémentaire pour travailler à une véritable
inculturation.
N° 16, 2) : Lorsque nous
vivons à l’étranger, nous nous efforçons d’étudier la langue, et de comprendre
les us et coutumes des peuples dont nous sommes les hôtes.
Nous
avons beaucoup insisté au cours de notre dernier chapitre, sur cette nécessité.
Il ne faut pas que cela reste un vœu pieux.
N° 16, 3) : Nous
dialoguons et collaborons loyalement avec les responsables et les croyants des
autres religions, ainsi qu’avec ceux qui ne croient pas en Dieu. Nous sommes
confiants en l’Esprit Saint qui nous mène les uns et les autres, vers la Vérité
toute entière (Jean 16, 13). Est-ce que nous collaborons vraiment avec les
croyants des autres religions ? Connaissons-nous seulement les imams du
quartier, et aussi les responsables des communes et villages là où nous
travaillons ?
N° 18, 1) : Nous
considérons comme tâche vraiment importante aujourd’hui , l’apostolat
auprès des jeunes dont la situation appelle plus que jamais des œuvres sociales
et éducatives : le service auprès des réfugiés, des émigrés et des
marginaux.
Notre
action auprès des jeunes ne peut donc pas se limiter aux simples amicales et
aux fêtes et rassemblements, mais chercher de vraies œuvres sociales et
éducatives. Nous avons sans doute le souci des réfugiés et des émigrés, mais
beaucoup moins des marginaux, ceux qui sont à l’écart de la société. Nous nous
posons également la question de la qualité de notre vie communautaire (n° 24).
N° 24, 1) : Notre
présence auprès des pauvres nous fait entendre de façon nouvelle l’Evangile que
nous annonçons. C’est ainsi un aspect constant à la conversion et une
invitation à adopter un style de vie simple.
Sommes-nous prêts à entendre chaque jour l’Evangile de façon nouvelle?
Et à nous convertir, en vivant et en nous engageant avec les pauvres?
3 – La vie de la Province :
A partir de là, nous nous sommes posés un certain
nombre de questions sur notre vie en Afrique de l’Ouest, en particulier sur notre mission.
L’évangélisation des pauvres est vraiment notre but, et c’est pour cela, que
nous travaillons, en paroisse ou non. Est-ce que nos paroisses sont vraiment missionnaires et évangélisatrices?
Est-ce qu’elles donnent la priorité aux pauvres ? Pas seulement pour les
aider, mais d'abord pour les écouter, et accueillir ce qu’ils ont à nous dire.
Et ensuite, les soutenir dans ce qu’ils veulent faire eux-mêmes.
Nous travaillons au
sein de l’Eglise locale. Nous respectons donc ses orientations, mais selon
notre charisme et notre spiritualité missionnaire. Toutes les Eglises d’Afrique
de l’Ouest ont mis en place un Plan d’Action Pastorale avec quatre objectifs :
la communion, la sanctification, le témoignage et le service. Or trop souvent,
dans nos paroisses, on est sensible à la communion et à la sanctification,
surtout à la liturgie, beaucoup plus qu’à l’évangélisation
et au service des pauvres. Notre responsabilité est donc d’insister sur ces
deux derniers objectifs, choisis par l’Eglise elle-même. D’autre part, souvent ces quatre objectifs se
limitent à une action auprès des chrétiens. Alors que nous sommes responsables
de la communion entre tous les hommes, et pas seulement dans la paroisse ou
entre chrétiens. De même, nous sommes responsables
de la sanctification de tous les hommes, pour qu’ils vivent mieux la foi et
l’amour, quelle que soit leur religion ou leur non religion. Cela passe par des
actions en commun, De même pour l’évangélisation. L’évangélisation ne peut pas
se limiter à des prières charismatiques et à des chants entre chrétiens. Il
s’agit bien d’évangéliser les non chrétiens, en sachant que
« évangéliser » ce n’est pas la même chose que baptiser (1°Cor 1,17).
Il s’agit pour nous, d’aider les non chrétiens à vivre dans l’esprit de
l’Evangile, à la manière de Jésus Christ. A ce moment-là, ils sont vraiment
dans le Royaume de Dieu, même s’ils n’acceptent pas de rentrer dans l’Eglise,
ou d’être baptisés. Nous sommes au service du Royaume.
Ces mêmes réflexions s’appliquent également aux communautés de quartiers, qui doivent
être des lieux d’évangélisation et d’engagement envers tous les pauvres dans le
quartier. Alors qu’on a souvent transformé ces CEB en simple groupe de prière.
-Comme tous les séminaristes, nous donnons à nos
étudiants une formation en philosophie et en théologie. Mais le Chapitre
a bien insisté sur la nécessité de formation complémentaire, pour pouvoir
répondre à notre charisme : « dans les domaines de la santé, de
techniques diverses, et d’engagement dans la société. (II, 4) ». Et aussi
sur la nécessité (n° 5) de la formation pour l’évangélisation, le dialogue
entre les religions, justice, paix et intégrité de la création, l’éducation non
formelle (pas seulement les écoles), l’action auprès des enfants de la rue etc.
Il est absolument nécessaire que tout cela soit mis en pratique, et ne reste
pas au niveau de belles déclarations formelles. D’autant plus qu’au cours de ce
Chapitre, nous avons beaucoup insisté sur notre vocation missionnaire, notre
spiritualité et notre charisme. Et sur le fait que nous ne sommes pas
obligatoirement appelés à travailler en paroisse. Au contraire, le Chapitre a
demandé la mise en place d’activités
pastorales, autre que paroissiales.
Pour la mise en place de ce
Chapitre, il serait important de dégager
des priorités car on ne peut pas tout faire : de mieux analyser les
possibilités pratiques, que ce soit en personnel ou en moyens, pour ne pas
lancer des choses irréalisables, qui vont nous conduire contre un mur. Par
exemple, dans les années passées, nos forces vives ont été essentiellement
consacrées à la formation d’enseignants de la philosophie et de la théologie
pour le Centre Saint Augustin. N’est-ce pas au détriment de l’évangélisation et
de l’action avec les pauvres ? Au cours du Chapitre tout le monde a émis
de très bonnes idées. Il faut arriver maintenant à quelques orientations
claires, acceptées et mises en pratique par tous.
Cela pose aussi tout le problème de
la formation de nos étudiants :
qu’ils aient une véritable initiation à une pastorale missionnaire qui
s’adresse aux plus pauvres, et ne se laissent pas prendre à la course aux
diplômes. Cela nous demande d’avoir des formateurs, et pas seulement des
enseignants dans nos maisons de formation. Et que l’on mette en place une
véritable pastorale des vocations. E aussi une
formation continue. Qu’elle soit vraiment continue, et ne se limite pas à
une rencontre d’une journée chaque année.
Au cours de notre Chapitre, conformément aux
orientations de la Congrégation, nous avons beaucoup insisté sur l’importance
de la vie communautaire. Celle-ci devrait être prise davantage au
sérieux, en pmarticulier au niveau de l’argent et de l’utilisation des moyens
que nous avons, dans la ligne de notre pauvreté religieuse. Nous devons aussi
réagir contre cette tendance à classer et à juger à l’avance les confrères, et
à répandre sur eux des opinions négatives, dans nos conversqtions ou par internet.
-Enfin dernière question, qu’est-ce que cela a changé
que notre Fondation devienne une
Province ?
La Bonne Nouvelle aux pauvres : Claude François Poullart des Places.
Avant
de parler de Claude, je voudrais déjà signaler combien ce thème de la Bonne Nouvelle
aux pauvres est au centre de l’Evangile.
C’est pour cela que nous avons prié à partir de cette parole de DIEU (Lc 4,
16-21) « l’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré pour porter
la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être libres,
dire aux aveugles qu’ils vont voir à nouveau la lumière, libérer ceux qui sont
écrasés et annoncer une année de grâces de la part du Seigneur ». Cette
année de grâces, je la vois pour nous ici, comme l’année de lancement du 3ème plan d’action pastoral (PAP
3) :
-La
communion entre nous, mais aussi en particulier avec les pauvres,
-La
sanctification (nous laisser transformer par les pauvres),
-Le
témoignage (d’une vraie vie de pauvreté évangélique)
-Le
service des pauvres, pas seulement par l’aide et le développement, mais aussi en
les défendant (justice et paix).
Il est donc clair que nous mettre au service
des pauvres c’est le centre de la vie chrétienne, et que cela s’adresse à tous
les chrétiens. Aujourd’hui, je voudrais parler de Claude Poullart Desplaces,
simplement comme un exemple et un chemin : voir comment peu à peu, il a
changé de comportement envers les pauvres, et ensuite à quoi cela nous appelle
nous-mêmes, ici au Sénégal, en 2013.
Claude
Poullart Desplaces est né dans une famille riche. C’était même une famille noble
autrefois, mais qui avait perdu ses titres de noblesse. Le père fait tout pour
qu’ils retrouvent leurs titres de noblesse, même s’il faut dépenser leur argent
pour cela. Donc Claude grandit dans une famille riche, avec tout ce que cela
veut dire.
1)Quand
Claude est étudiant, c’est un bon chrétien. Il rentre dans une association, une
congrégation mariale. Dans cette association, il découvre non seulement la
prière, mais aussi l’amour des pauvres.
Il va visiter les malades, et il enseigne le catéchisme aux orphelins d’un
hospice de la ville de Rennes, où il est né en 1679. Par ce premier engagement,
Claude commence à sortir de son monde de riche bourgeois. Il commence à
découvrir le monde des pauvres. Lui-même écrit qu’il aime beaucoup faire
l’aumône : c’est la première étape !
2)Maintenant
Claude Poullart a terminé ses études à Nantes, d’une façon très brillante. Il
va devenir avocat. Le rêve de son père, c’est qu’il siège au parlement de
Bretagne. Mais à la suite d’une retraite, Claude sent l’appel de DIEU. Il renonce donc à la
gloire, à avoir une place de prestige et à une vie de riche, pour devenir prêtre
et se mettre au service de l’Eglise et
de ses frères.
3)Pour
devenir prêtre, Claude Poullart va faire ses études de théologie à Paris, à
l’université de la Sorbonne, tenue par les jésuites. Là encore, il ne se limite
pas à ses études. Il a une bourse, et de l’argent que lui fournit sa famille. Il
a souci de partager en particulier avec les malades. Il rencontre souvent des
enfants travailleurs. Il s’agit de petits qui viennent de Savoie : comme
ce sont des enfants, ils peuvent monter plus facilement sur les toits (ils sont
souples, petits et ne pèsent pas lourds). Ils gagnent leur vie en nettoyant les
cheminées. Bien sûr c’est un travail très difficile, dangereux et très
fatigant. Claude prend contact avec eux. Il
découvre les conditions de vie et de travail de ces enfants pauvres.
4)De
même, il est attentif aux étudiants pauvres de Paris, qui n’ont pas les moyens
de se payer des études normales. Il s’intéresse à eux, il apprend à les
écouter, et ainsi il découvre leur richesse de coeur. C’est là une nouvelle
étape dans la vie de Claude : il ne se contente plus de faire l’aumône, ni
même de visiter ou de travailler pour les pauvres, il commence à accueillir leurs qualités, et à recevoir
d’eux, après avoir découvert la réalité de leur vie. Il ne décide donc pas
seulement de les aider matériellement, mais de les aider à grandir et à
développer leurs valeurs et leurs qualités, comme nous le demande la parabole
des talents (Mt 25). Ainsi Claude a appris à se mettre véritablement au service
des pauvres, et il en est heureux.
5)Nouvelle
étape : Claude décide de vivre avec les étudiants pauvres qu’il a contactés.
Il loue une maison, d’abord pour quatre ou cinq étudiants, mais le nombre va
vite grandir. Il quitte donc le grand séminaire pour partager leur vie, il devient l’un d’entre eux. On pourrait même
dire que c’est lui, qui est accueilli chez eux.
6)Il
veut partager la vie des pauvres jusqu’au bout, c’est pour cela qu’il renonce
volontairement à tous les « bénéfices », et aux avantages financiers,
que sa famille et ses études pourraient lui permettre d’avoir. Il veut être vraiment pauvre lui-même, pour être
totalement comme ceux avec qui il vit. Il ne garde que la somme d’argent
imposée par le diocèse Paris, pour pouvoir être prêtre.
7)Claude
passe par un moment de découragement et doute de la valeur de son action :
c’est une grande épreuve de pauvreté
spirituelle. Il fait une nouvelle retraite, car tout son engagement pour
les pauvres a été basé sur la prière, et sur l’écoute de L’ESPRIT SAINT. A la
suite de cette retraite, il ne veut pas que cette œuvre, qui en 1703 est
devenue la congrégation du SAINT ESPRIT, soit son œuvre à lui tout seul. Il
décide donc de chercher d’autres confrères, pour l’aider pour faire marcher
cette œuvre. Ce ne sera plus son œuvre personnelle. Claude est arrivé maintenant
au dépouillement total.
8)En
1709, l’hiver est très froid. Les hôpitaux sont remplis, et suite en
particulier à la guerre il n’y a plus de moyens ni de médicaments pour soigner
tous les malades. Claude est devenu totalement pauvre. Il n’a pas de quoi payer
l’hôpital, et il reste dans sa maison. C’est là qu’il meurt à l’âge de trente
ans. Il n’aura pas un grand enterrement, ni une belle tombe, il est enterré
dans la fosse commune de sa paroisse.
Voilà
donc la vie de Claude Poullart Desplaces : d’abord l’aumône, puis la
découverte du monde des pauvres en se mettant à leur service, ensuite l’accueil
de leurs richesses de cœur, après cela le partage de leur vie en devenant
pauvre lui-même, et enfin le dépouillement et la pauvreté spirituelle jusqu’au
don de soi total.
On
pourrait illustrer cette vie par la parole de Paul (Ga 1,16) : «Le
Seigneur JESUS m’a mis à part. IL m’a appelé par sa grâce. Il m’a fait partager
l’abaissement du CHRIST, pour être serviteur et frère de tous, pour que je
l’annonce aux pauvres. ». Claude a suivi JESUS CHRIST, dans toute sa vie donnée aux autres, jusqu’à
la mort.
Après
cet exposé, nous sommes partis en carrefour, autour de la question
suivante : Nous-mêmes, comment nous mettre au service des pauvres, dans le
Sénégal d’aujourd’hui, à l’exemple de Claude Poullart des Places ?
Diaconia 2013 – Servons la Fraternité
La Bonne
Nouvelle aux pauvres
Claude-François Poullart des Places et François Marie
Paul Libermann
Chevilly
Larue le 29.06.2013
Ce rassemblement nous rend attentif à
cette dimension essentielle de notre vie chrétienne qu’est le service du frère.
Il se situe dans une démarche de l’Église de France commencée depuis plusieurs
années à la suite de l’enseignement de Benoit XVI dans ses encycliques Dieu est amour (2005) et L’amour dans la vérité (2009), qui rappelaient le triple
axe de la mission de l’Église : Annonce de la Parole de Dieu (martyria), célébration des
sacrements (leitourgia), service de la charité (diakonia). Ce service des autres est essentiel
à la mission de l’Église car l’annonce de la Parole, la liturgie et le service
de la charité « sont trois tâches
qui s'appellent l'une l'autre et qui ne peuvent être séparées l'une de l'autre.
La charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on
pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une
expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer ». (DCE
n°25).
Il
s’agit donc de resituer le « service de la charité » au cœur de la vie des
communautés à travers une nouvelle prise de conscience que le service du frère
est une manière de vivre sa foi à la suite du Christ et par conséquent est
l’affaire de tous et pas seulement de quelques services spécialisés. Et si nous
le vivons à la manière du Christ, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un
« faire » seulement, mais d’une relation de réciprocité à établir
avec les personnes en situation de fragilité, proches
ou lointaines, pour vivre
la fraternité et l’espérance
avec elles. Il s’est fait l’un de nous, le serviteur de tous pour devenir frère
de tous.
C’est le terme « diakonia, diaconie » qui a
été choisi pour désigner ce qui est visé
dans cette démarche. Ce n’est pas un terme de notre langage courant. Il nous
vient du grec. Il est devenu un « terme clé » (« diakonein » «
diakonos » « diakonia » ) dans le NT où il peut désigner :
- la mission du Christ et sa manière d’être
dans ce qu’il fait ; il est venu pour « servir et donner
sa vie en rançon pour la multitude » Mc 10, 45.
-la mission des
disciples : Paul, par exemple, parle souvent de sa mission en
employant le terme diakonia ; on traduit alors par « ministère ».
-une manière de vivre
ensemble des chrétiens qui est conforme à l’Évangile, à la qualité de
présence de Jésus parmi eux. « Si
quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur –
diakonos – de tous » Mc 9, 35).
-La diaconie c’est aussi ce qui assure le lien entre des communautés chrétiennes, par la
médiation d’un don ou d’une personne. (Rm. 15,25 et en 2 Cor. 8,9 quand
Paul parle de la collecte.)
On
voit donc que le sens du mot a été
enrichi par la façon de vivre de Jésus et de ses disciples. Il est très large
et pour le traduire il faut recourir à plusieurs termes comme « service »,
« secours », « assistance » «dévouement», mais aussi « ministère », « charge ». Même si la charité
est au fondement de la diaconie, le sens est plus large que seulement «
charité » ou « œuvre de charité ». Plusieurs mots ou expressions
utilisés aujourd’hui sont proche par le
sens, mais ne le recouvrent jamais entièrement : ainsi solidarité, fraternité,
justice, option préférentielle pour les pauvres. Enfin Benoît XVI, dans DCE (Dieu
Est Amour) dit que la diaconia est « le service de l’amour du prochain
exercé d’une manière communautaire et ordonnée. »
Pour nous aider à vivre en
frères, nous faisons appel à 2 témoins, les fondateurs de notre
congrégation : Claude-François Poullart des Places et François Libermann.
Pourquoi s’intéresser à eux ? Parce
qu’ils ont été en leur temps des initiateurs d’une œuvre qui a traversé le
temps, aux conséquences insoupçonnées par eux et qui a mobilisé une foule de
personnes au service des autres, proches ou lointains. Il n’est pas simple de
servir ; bien des questions se posent pour celui ou celle qui veut s’y
engager : comment devenir serviteur ? Comment durer dans un
service ? Comment ne pas se servir en croyant servir l’autre ?...les
fondateurs ont su correspondre à la grâce qui leur a été faite de devenir des
serviteurs. Leur expérience peut nous éclairer, nous inspirer.
Surtout, dans la
rencontre avec eux, chacun(e) peut prendre conscience de la grâce de son propre
appel et s’unir à eux pour réaliser sa vocation.
Le témoignage de Claude François Poullart des Places
1679 – 1709
« La congrégation du Saint-Esprit fut fondée le jour de
la Pentecôte 1703 par M. Poulart-Desplaces, du diocèse de Rennes, dans le but
d'élever des ecclésiastiques destinés à se consacrer aux œuvres les plus
délaissées. Longtemps cette œuvre ne subsista que des aumônes de personnes
charitables ; le vénérable fondateur allait lui-même les chercher, puis il
servait ses élèves de ses propres mains, et leur rendait les services les plus
humbles. »[1]
Voilà
l’image de Poullart des Places qui est parvenue jusqu’à Libermann, 140 ans
après sa mort ; celle d’un homme humble, qui va quêter pour obtenir ce
qu’il faut pour vivre, qui se situe au sein de la communauté, dont il est
pourtant le supérieur, comme un serviteur des autres.
Né
à Rennes en 1679, dans une famille d’ancienne noblesse, il était destiné à
permettre à la famille de retrouver son rang dans la noblesse, perdu au moment
de la réforme de Colbert. Tout avait été mis en œuvre pour cela et à 22 ans, à
la fin de ses études de droit, il était un jeune homme riche, ambitieux,
désireux avant tout de prendre sa place et de briller dans la société de son
temps. Comment en est-il arrivé à fonder
un séminaire pour permettre à des étudiants pauvres à devenir prêtre pour
évangéliser des pauvres ?
Des
expériences fondatrices
Au
collège des Jésuites, Claude participe à la « congrégation mariale »,
où il prie et partage sa foi avec d’autres, mais où il est aussi envoyé visiter
des malades. Le vicaire de la cathédrale, l’abbé Bellier, réunit quelques
jeunes autour de lui et les envoie à l’hospice auprès des orphelins pour leur
faire le catéchisme. C’est peu de choses, mais c’est important pour lui :
il franchit les frontières de son monde, il découvre le sort de ces enfants et
apprend la joie de les servir. À la fin de ses études, il se décrira
comme « aimant beaucoup à faire l’aumône
et compatissant naturellement à la misère d’autrui. »[2]
Cela fait désormais partie de lui.
Au retour de Nantes où il a étudié le droit (1700), il
hésite sur son choix de vie : Va-t-il entrer dans le projet des parents ou
suivre son propre désir, celui d’être prêtre ? Pour sortir de
l’indécision, il suit une retraite auprès des Jésuites, selon les Exercices de
St Ignace. En relisant sa vie, il est saisi par l’amour de Dieu à l’œuvre en
lui depuis toujours, comme une grâce totalement gratuite qui sans cesse le
cherche et jamais ne se décourage de ses faiblesses. Alors toutes ses défenses
tombent, il se rend « à tant de poursuites aimables »[3], il se
« laisse vaincre »[4], il
consent à l’appel du Seigneur. Devant ce Dieu qui l’aime, il peut se regarder
lui-même tel qu’il est, avec ses qualités et défauts, qu’il peut nommer :
« l’ambition, l’amour de la gloire et du succès, la vanité ».
Cette expérience est décisive pour lui : elle le
libère du projet des parents, de ses propres ambitions, de la nostalgie d’un
bonheur qui pourrait combler tous ses désirs. Elle lui fait goûter à la joie et
la paix d’être avec le Christ. Conscient d’avoir été pardonné et libéré ;
il veut en tout montrer sa
reconnaissance à Dieu, son « Libérateur ». Puisque son ambition l’a
souvent détourné de Lui, il va la combattre en tout et aura une préférence pour
« les œuvres qui étaient les plus obscures, pour les œuvres
abandonnées. » Il ouvre ainsi un chemin original qu’il partagera avec
les étudiants pauvres qui lui demanderont de les assister dans leur formation
en vue du sacerdoce.
La rencontre des pauvres
Tout à son désir de vivre pour Dieu, et de manifester
de la reconnaissance envers son « Libérateur » Claude est
heureux de « pouvoir le
soulager dans la personne des pauvres qui sont ses membres. » [5] Il
partage d’abord son superflu, puis son nécessaire à des malades, aux petits
savoyards, à des étudiants pauvres.
Il ne fait pas seulement des choses pour eux, il s’intéresse
à eux, est à l’écoute de ce qu’ils vivent. Il s’aperçoit vite qu’ils portent en
eux plein de richesses : « J'en
connais plusieurs qui auraient des dispositions admirables et qui, faute de
secours, ne peuvent les faire valoir, et sont obligés d'enfouir des talents qui
seraient très utiles à l'Église s'ils étaient cultivés.»[6]
Ce n’est pas une relation à sens unique, mais une rencontre où lui-même reçoit autant
qu’il donne. Ce texte
précise la visée de Claude : pas
seulement de leur procurer de la nourriture et un logement, mais de « faire
valoir » et « cultiver »
leurs « dispositions admirables »
et leurs « talents » qui,
« faute de secours »,
restent « enfouis ». Il veut prendre en compte ce qu’il voit
en ces jeunes, ce qui est invisible pour un regard superficiel, leurs talents
et richesses, pour qu’ils puissent les développer et les mettre au service des
autres. Il est dans l’attitude du serviteur selon l’Évangile, qui est
heureux parce qu’il a découvert que
l’autre vaut la peine d’être servi et qui trouve sa joie dans la valeur et la
réussite de ceux qu’il sert.
C’est dans
la rencontre avec eux qu’il découvre son appel particulier. La ferveur
spirituelle lui donne l’audace d’entreprendre et, de son engagement auprès
des étudiants pauvres, lui vient l’intuition de l’œuvre. Il n’agit plus
seulement pour eux, mais « à partir
d’eux. »
Sous le
signe de l’hospitalité
À partir d’octobre 1702, Claude paye un logement pour 4 ou 5 étudiants
pauvres dans une maison juste en face du Lycée Louis-Le-Grand où il vit. Il
leur offre l’hospitalité, pas seulement dans une maison, mais dans son
cœur. Au début du carême 1703, Claude quitte le collège où il vivait
confortablement, pour s’installer dans la maison qu’il a loué pour les pauvres
écoliers. Il a 24 ans. Le changement est radical. Logement, nourriture,
habillement, loisirs…tout est commun. L’exode continue : de sa maison à la
maison des pauvres. Il quitte son monde culturel pour celui de ses jeunes
compagnons. D’assistés, ils deviennent des frères de partage. Cette fois, ce
sont eux qui l’accueillent parmi eux. Des barrières sont franchies, l’Évangile
est annoncé. Cette hospitalité réciproque est source de vie, à la naissance
d’une communauté, qui deviendra plus tard une congrégation religieuse.
Serviteur jusqu’au bout
Ayant rejoint les étudiants pauvres,
il va devenir pauvre lui-même. Il renonce à des « bénéfices » qu’on
veut lui donner et n’accepte que les 60 livres par an qu’exige l’évêque avant
l’ordination, afin d’être plus disponible aux pauvres. En 1704, le nombre des jeunes
augmentant, il comprend qu’il lui faut partager sa responsabilité avec
d’autres. Ce séminaire ne sera pas « son » œuvre, mais celle d’un
groupe de formateurs ; il lui ouvre ainsi un avenir qui n’est plus lié à
sa seule personne. Discrète,
fragile, la communauté est en fait une prise de position forte par rapport aux
maux dont souffre l’Église et le monde de son temps : clergé mal formé
soucieux de s’assurer des bénéfices et
inégalités grandissantes entre les différentes classes de la société.
Quand survient l’hiver exceptionnel de 1709, puis
l’augmentation du prix des denrées et la famine, Claude n’est plus parmi les
privilégiés qui ont toujours des ressources pour s’assurer le nécessaire
et des soins de qualité. Son exode à la
suite du Christ l’a conduit vers la marge, parmi les pauvres, exposé à la même
précarité, aux mêmes privations et risques qu’eux. Aussi, quand la maladie
l’« attaque », elle ne rencontre pas beaucoup de résistance.
Les hôpitaux sont débordés et il n’a pas les moyens pour avoir des soins
efficaces. « Il expira doucement sur les
5 heures du soir le 2 Octobre l'an 1709, âgé de 30 ans et 7 mois. »
En sa mort, il reçoit la marque suprême de l’amour de
Dieu pour lui, la grâce de donner sa vie jusqu’à l’extrême, comme son
Maître et Seigneur et de parvenir ainsi à son accomplissement. Le terme du
chemin met en pleine lumière son appel particulier, qui pourrait s’exprimer à
partir des mots de Saint Paul aux Galates (1, 15-16) : « Celui qui
m’a mis à part… et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler en moi
son Fils en son abaissement,
Serviteur et Frère de tous, afin que je l’annonce aux pauvres. » Ce visage du Christ
l’a séduit. Toute sa vie s’est construite à partir de cette expérience de Dieu
et c’est en elle qu’il trouve sa véritable identité.
Le témoignage de François Marie Paul
Libermann
1802 – 1852
Du
côté des pauvres
Un
prêtre, qui avait été en formation avec Libermann au séminaire Saint Sulpice à
Paris, a rapporté une expérience vécue vers 1830-1831. Chaque semaine, ils
distribuaient ensemble des vêtements aux pauvres et cela ne se passait pas
toujours très bien. Ce compagnon était déconcerté par le comportement violent
dont il était témoin. Il a suggéré alors de ne rien donner la fois suivante à
ceux qui poussaient ou bousculaient les autres. Il a été encore plus déconcerté
par la réaction horrifiée de Libermann : « Eh ! Imposer une
pénitence aux malheureux ! »[7]
Spontanément, Libermann s’est situé du côté du pauvre. Il était instinctivement
touché par leurs besoins. Pour y répondre, il ne se sentait pas prisonnier d’un
sens de l’ordre inculqué au séminaire.
La
sensibilité de Libermann au sort des pauvres est enracinée dans son expérience
personnelle d’enfant juif à Saverne. Son père, Lazare Libermann, était un
rabbin « très estimé et très considéré ; on le regardait comme un
savant et on venait de loin pour le consulter. »[8]
Mais ce même témoignage ajoute qu’il était « pauvre ». Jacob a grandi
dans une famille modeste ; à 11 ans, il a perdu sa mère et dans la
rue il a appris ce que cela voulait dire que d’appartenir à une minorité à
peine tolérée. Il a ainsi développé une empathie pour le faible, une solidarité
avec ceux qui avaient besoin d’une main secourable. Il n’est pas étonnant
alors, qu’après son baptême (1826) et son entrée au séminaire de Saint Sulpice,
à Paris, ses confrères aient admiré « sa charité et sa compassion pour les
pauvres »[9], qu’ils le
trouvaient « bien bon et plein d’humilité » [10]
à l’égard de ceux qu’il accueillait.
La
traversée du désert ou le chemin pour devenir serviteur
Ce
sentiment d’être du côté des marginalisés s’est accentué avec le début de son
épilepsie. Cette maladie implique une humiliante perte de contrôle et a des
conséquences dépressives. Libermann a reconnu avoir pensé au suicide. Elle est
aussi un empêchement au sacerdoce.
Pendant des années, Libermann se retrouve sans perspective d’avenir, vivant de la charité du diocèse de Paris
d’abord, puis de celle des Sulpiciens, au séminaire d’Issy (1831) où il est
l’assistant de l’économe, au service de la communauté. À travers ses épreuves,
se creuse son union au Christ qui lui
permet de ne pas perdre pied devant sa propre pauvreté et les situations
humiliantes où il se trouve. Durant
toutes ces années, il garde confiance en Dieu qui ne manquera pas de lui
indiquer, le moment venu, ce qu’il attend de lui. Il demeure dans la paix et
reste « bon et affable pour tous »[11].
Ceux
qui vivent avec lui sont touchés par cette paix, cet abandon qu’il manifeste au
milieu des difficultés et plusieurs trouvent auprès de lui un auditeur
attentif, prêt à les écouter, à partager son expérience et ainsi à les aider
dans leur propre cheminement. C’est dans cette disponibilité aux autres que se
révèlera son don d’accompagnateur spirituel et de formateur à la vie
intérieure. Il devient animateur
spirituel du séminaire.
C’est
pourquoi en 1837, les Eudistes, font appel à lui pour leur noviciat à Rennes où
il restera jusqu’en décembre 1839. Un avenir semble s’ouvrir. Mais les deux
années qu’il passe à Rennes seront une épreuve supplémentaire, « une
période de purification atroce » (P Sigrist) Il se sent inutile. Il
éprouve un grand désir de servir et de se donner. « Je ne pus résister au désir ardent qui me poursuivait sans cesse de
faire quelque chose pour la gloire de Notre-Seigneur… »[12]
Quand
Frédéric Levavasseur, originaire de Bourbon (la Réunion) et Eugène Tisserant,
de Haïti, tous les deux préoccupés par le sort des esclaves ou des anciens
esclaves font appel à lui pour un projet d’évangélisation des Noirs, il hésite,
car le doute s’est insinué dans son cœur. Puis il sent un appel à s’engager
dans « l’Oeuvre des Noirs » et
accepte. » Il quitte Rennes le 1er décembre pour présenter le
projet à Rome. Ce départ est si douloureux qu’il le compare à une agonie :
« Se trouvant dans cette peine
extrême sans aucune lumière intérieure de Dieu, il sentit cependant qu’il
fallait partir, que Dieu le voulait : mais cette vue était obscure, ce
sentiment si faible, tout en lui si sec, qu’il était dans des embarras
inexprimables, comme s’il n’eut rien senti. »[13]
Au bout de cette traversée du désert,
il sait mieux à présent au service de qui il est : du Seigneur qui l’a
saisi « à l’improviste », de ce désir aussi de se donner et de servir
qui l’habite. Il est disponible pour la mission avec au cœur deux convictions majeures
: « Il faut être saint pour être missionnaire ; il faut agir en
pauvre serviteur pour être missionnaire.» (P Coulon)
Un projet missionnaire au service des
pauvres
Un
regard de compassion
L’Oeuvre des Noirs ne résulte pas d’une analyse
historique ou sociologique en vue d’une stratégie à mettre en œuvre, mais de
l’attitude de Levavasseur qui est "touché"
par la condition des noirs. Dans le mémoire que Libermann présente au secrétaire de la Propagande il utilise ce
même mot : « Il y a environ
deux ans que nous nous sentons touchés très vivement des grands maux qui
accablent ces pauvres gens… ». Ils sont « touchés », comme
le Samaritain est touché par l’homme tombé aux mains des brigands. Libermann discerne
là l’action de Dieu en eux : « Nous
nous sommes déterminés aux nègres, ou plutôt c’est Dieu qui a réuni nos esprits
et les a touchés du salut des nègres… » (lettre à Dupont, 1842, ND
III, 93) Le premier pas nécessaire pour devenir serviteur est de sortir de
l’indifférence.
Un
projet qui vient de Dieu et qui est réalisé en Église
Libermann veut fonder une société
missionnaire pour les esclaves des Colonies. Il ne s’est pas engagé dans ce
projet à la légère, mais parce qu’il a discerné que Dieu l’y appelait. Pour
vérifier que c’est bien ce que Dieu veut, il part à Rome pour soumettre le
projet à l’Église. Cette démarche est essentielle à ses yeux, car il vit son
engagement dans l’œuvre comme une obéissance réfléchie et pesée devant Dieu. Il
remet le mémoire où il expose le projet à la Propagande. Il ne cache pas qu’ils
sont peu nombreux (8, et des jeunes dont 3 pas ordonnés) et que lui-même n’est
pas ordonné. Par la suite, il ne fait aucune démarche particulière pour jouer
des influences en faveur du projet (« ne
jamais faire de démarche oblique » L. à Dom Sallier 1840). Il attend,
disposé à se conformer à la décision (pas de lobbying).
Cette remise au discernement d’autres
personnes, avec le risque d’être désapprouvé, est une étape indispensable pour
un réel service des autres. Agir ainsi libère de ce que Libermann va appeler
l’ « esprit propre », c’est-à-dire de cet attachement à ses
propres vues qui peut devenir un enfermement et un appauvrissement de
l’intuition initiale. Ce qui était le projet de quelques-uns devient une Œuvre
d’Église où d’autres pourront s’engager. Même si le projet est amendé, ce qui
peut l’affaiblir, il devient l’affaire de beaucoup de personnes, d’un groupe,
d’une institution et trouve là une force nouvelle.
Dans
une véritable rencontre
Il ne s’agit pas seulement de faire des
choses pour ceux vers qui ils sont envoyés, mais d’entrer dans une relation
évangélique : (Ch IX, 3) « Ils
auront un soin et une tendresse
sainte et toute particulière pour les pauvres et les plus malheureux selon le
monde…sans trop examiner s’ils le méritent ou non. » (IX, 7) « Leur manière d’agir avec ces pauvres âmes dans tous leurs rapports avec
elles sera simple, douce, cordiale… » (IX, 6) Ils seront les avocats, les soutiens et les défenseurs des faibles et
des petits contre tous ceux qui les oppriment. » Tous ces
passages soulignent que le service se vit dans une relation, une rencontre où
tout l’être est engagé, y compris le cœur et la capacité de compassion.
Mais l’amour dont il est question est
« fort », i.e. capable aussi de « défendre », de s’opposer
à celui qui opprime. Ce passage parle de justice et paix. La justice est la
condition de toute relation libre et vraie.
Une
action missionnaire au service des pauvres
Libermann est reconnu comme "l’ami
des Noirs", mais « il se méfie comme la peste des combats
idéologiques qui divisent et occupent des forces qui devraient se mettre en
totalité au service de l’annonce de l’Évangile…Il refuse d’être d’une école,
d’un mouvement, d’une faction, d’une manifestation… » (MSp 9 p.77) Il
souhaite l’abolition de l’esclavage, accepte de faire distribuer des brochures,
mais ne signera pas la pétition en raison de sa position de supérieur d’une
société missionnaire. En France, les courants abolitionnistes
« n’appartenaient pas aux courants catholiques et même souvent les
combattaient ». Le clergé des colonies, très dépendant du pouvoir et plus
occupé à la pastorale auprès des propriétaires et des blancs, avait peu de
latitude pour s’exprimer vraiment et faire avancer l’émancipation. « La
dynamique missionnaire était donc bien dissociée de la destruction de
l’esclavage. Il fallut les intuitions de Libermann et de ses compagnons pour
les confondre en un seul mouvement. Mais…leur action ne se joindrait pas aux
tentatives abolitionnistes de masse…et se déroulerait sur un autre
registre…Libermann savait l’esclavage condamné ; son entreprise allait
au-delà de ce combat et visait l’évangélisation des anciens esclaves, mais
aussi, une immense ouverture du continent noir ». (Brasseur dans Coulon
p.332)
Libermann ne se laisse pas enfermer
d’un côté ou de l’autre, mais il s’engage dans le sens de l’histoire en marche
et voit le rôle que l’Évangile peut jouer dans cette situation. Il prend le
parti des esclaves noirs, pas par idéologie, mais « en Christ »,
parce qu’avant lui le Seigneur a donné sa vie pour tous et que « le grand
St Paul a été envoyé aux vils gentils » (lettre à Féret) ; il
manifeste un amour de préférence pour les pauvres « nègres ». (MSp 6,
p. 33)
Il travaille à une transformation de la
vie des personnes et des sociétés face aux logiques dominantes du monde. En
tant qu’elle est au service de la fraternité entre tous, la diaconie concerne
en effet la société dans son ensemble et prend aussi une dimension
"politique", en agissant pour le bien commun.
Des œuvres sociales en Europe
À la même époque, l’industrialisation
de l’Europe entraîne bien des maux : domination de l’argent, esclavage des
hommes, travail des enfants, nouvelles pauvretés. Libermann est tout orienté
vers les colonies et l’Afrique, mais pour autant il n’est pas indifférent aux
pauvres autour de lui et sera parmi les précurseurs de l’apostolat social.
Il
voudrait travailler au salut des pauvres, c’est-à-dire « les ouvriers en général » auxquels
il ajoute « les matelots, les
soldats, les galériens, les prisonniers, les mendiants » (ND IX
292, lettre à Levavasseur, 14 oct 1847). Dans cette même lettre il ajoute
« Il est vrai que, dans les
commencements, nous n’y avons pas pensé mais ceci n’est pas une preuve que Dieu
ne l’a pas voulu. » Il voit que « bien des prêtres et laïcs zélés s’en occupent…mais qu’aucune œuvre
n’est formée à ce dessein…parce que…ce besoin n’existait pas. » (Ibid.)
Comme pour l’Afrique, il pense à une formation religieuse, mais aussi profane
et même l’amélioration de leur sort matériel. Il voit la nécessité de passer
des initiatives individuelles à un plan d’ensemble. Les événements politiques
l’empêchèrent de de mener ces projets à bout, mais il restait convaincu que les
œuvres sociales « faisaient intégralement partie du soin des âmes délaissées. »
(Koren dans Coulon p. 737) Avoir des œuvres en Europe lui paraissait nécessaire
pour la congrégation. Il s’en explique, dans une lettre à Dom Salier, un ami de
St Sulpice, du
30 mai 1851, moins d’un an avant sa
mort : l’expérience africaine lui a montré que tous les membres de la
congrégation n’auront pas la santé suffisante pour aller en Afrique, ils
trouveraient leur mission ici : missions rurales, classe ouvrière des
villes, œuvres extra-paroissiales pour ceux qui ne viennent pas à l’église par
ailleurs. Il pense aussi que des œuvres en France donneront un certain poids à
la congrégation ici et étayeront celles d’Afrique. Il voit enfin qu’il y a bien
des âmes abandonnées ici, ignorées par les paroisses. ( Spir 4, 366 ; ND
XIII, 170)
À partir de 1848, comme 11e supérieur de la
congrégation du St Esprit, installée rue des Postes à Paris (rue Lhomond),
Libermann « se trouva au centre de toutes les initiatives importantes…il
n’en est guère, même et surtout en ce qui concerne les œuvres sociales,
auxquelles il n’ait pas été mêlé à un titre quelconque. » (Spiritus
4,365). Liens avec Ozanam, fondateur de la Société de Saint Vincent de Paul,
avec Rosalie Rendu, Sœur de la Charité à l’œuvre dans la rue Mouffetard, et bien d’autres… Il maintiendra cette habitude
d’accueil envers les pauvres vivant autour de la maison. Les ouvriers y
viendront par centaines pour des temps d’enseignements et de prière, pour se
préparer aux sacrements, mais aussi pour y recevoir de « bons
légumes » et des vêtements.
À la suite du Christ Serviteur
Le
19 novembre 1847, à la fin d’une lettre à la communauté de Dakar et du Gabon il
écrit :
« Ne jugez pas au premier coup
d'œil ; ne jugez pas d'après ce que vous avez vu en Europe, d'après ce à
quoi vous avez été habitués en Europe, dépouillez-vous de l'Europe, de ses
mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres avec les nègres, et vous les
jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres
pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l'Europe, mais laissez-leur
ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se
faire à leurs maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres,
et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et
en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C'est ce que saint Paul
appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ. »
Ce texte suit la structure de la lettre
de St Paul aux Philippiens (2, 5-11). Ce qui inspire profondément toute
initiative missionnaire ou toute œuvre sociale doit être d’entrer dans la
manière d’être et d’aimer de Jésus. Lui nous conduit à devenir serviteur, dans
un chemin de sortie de soi à la rencontre de l’autre, de dépouillement de soi,
de don de soi comme Lui sur la
croix : « faites-vous à eux,
comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… » Et ceci non
pour quelque profit ou récompense personnelle, mais pour leur élévation, pour
les « perfectionner, les sanctifier,
les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de
Dieu. »
Pour désigner ceux à qui les
missionnaires s’adressent, Libermann utilise le mot « nègre » et non
noir, car il s’agit de l’homme noir dans sa « situation historique marquée
par la traite et l’esclavage ». [14] « D’objets de traite, ils deviennent par
l’action de Dieu en Jésus-Christ des sujets
en qui se manifestent les « merveilles » de la puissance de
Dieu. »[15] Le but de
la mission est cette « résurrection des
"nègres" comme peuple de Dieu "gagné à
Jésus-Christ"…solidaire d’un seul corps, le Corps du Christ. » Mais il ne peut se réaliser que dans
l’union au Christ dans sa démarche de Serviteur, qui nous lave les pieds et se
livre entre nos mains.
Au
cœur de la vie de nos fondateurs, Poullart des Places et Libermann, nous
rencontrons la même figure du Christ qui s’abaisse pour se faire Serviteur et
Frère de tous. À sa suite, ils ont été fondateurs, incarnant dans leur œuvre
l’amour préférentiel du Christ pour les pauvres. Cette expérience nous
rassemble en communauté religieuse et est au cœur de notre vie missionnaire. Ce
forum est l’occasion de la partager largement avec vous. Que leur témoignage
nous aide tous aujourd’hui à nous mettre avec courage et créativité au service
de nos frères.
[1] Libermann, Notice sur la Congrégation du Saint-Esprit
et de l’Immaculée Cœur de Marie, et sur ses œuvres, dans P. Coulon et
P.Brasseur, Libermann
(1802-1852), une pensée et une mystique missionnaire, Paris, Cerf 1988, p.
663-669.
[3] De Mare, p. 279
[4] De Mare, p. 282
[5] Ko Thomas, p. 266, Coulon p. 180.
[6] Besnard dans Koren p. 282 ; Coulon p. 205.
[8] ND 1, 15.
[10] ND 1, 127.
[13] ND 1,
664, Mémoire de Tisserant.
[14] MSp 16, p. 75.
[15] Ibid. 74
Fraternités Spiritaines : Esprit et Mission
Rencontre de Pikine du 21-4-2013.
|
Cette rencontre des
Fraternités de Pikine, Ouakam, Ngueniène et «Marthe et Marie » a été comme
d’habitude préparée par une Réunion du bureau, où nous nous sommes donné des Nouvelles
des fraternités.
Nguèniène :
Avec le P. Christian, le dimanche 24 février 2013, nous avons reçu une
formation sur le chemin de conversion de Claude François Poullart des Places,
dispensée en même temps par Jacques Sarr en sérère. Avec le P. Armel, 46 jeunes
ont répondu à l’invitation le samedi après-midi 9 mars à débattre sur le thème
« Amour et sexualité ». Le lendemain, le P. Armel a pu rencontrer
quelques membres de la fraternité, et un bilan du vécu des 2 fraternités a été
fait. Le P. Armel a recommandé une plus grande intégration des membres de la
Fraternité spiritaine dans la vie de la paroisse. Après Pâques, a eu lieu une
rencontre de nos étudiants en théologie avec les jeunes de Nguèniène, pour témoigner
de leur vocation et échanger avec eux.
Ouakam :
Une récollection animée par le P. Jean François Diagne sur le
thème : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les
paroles de la vie éternelle » (Jn 6,23), a réuni le dimanche 17 mars une
dizaine de membres des Fraternités de Ouakam et Marthe et Marie.
Emmanuel a souligné le
fait que lorsqu’il invite des jeunes à rejoindre la fraternité, ceux-ci souvent
au chômage lui répondent qu’il leur faut d’abord trouver un travail. La
fraternité ne pourrait-elle pas aider à cette recherche d’emploi ? Soeur
Térèsa a rappelé que celle-ci est aussi un lieu où l’on peut puiser dans la
prière et le partage fraternel l’énergie nécessaire pour sortir du chômage.
St
Paul de Grand Yoff : Le P. Armel a essayé
d’organiser une première rencontre. A ce
sujet, on a noté qu’il ne faudrait pas que les Fraternités se limitent aux
paroisses tenues par des spiritains. Il faudrait contacter nos amis laïcs vivant
dans les autres paroisses. On a rappelé qu’au Cap des Biches, le P. Joseph Lambrecht
avait demandé que la communauté spiritaine de Saint Louis soit aidée pour le
lancement d’une fraternité.
Rencontre du
dimanche 21 avril à Pikine
.
1/Nous n’avons pas
voulu faire à nouveau une conférence, mais plutôt que chacun partage ce qu’il
connaît de la spiritualité de Claude Poullart, de François Libermann et
d’Eugénie Caps ? Comment ces
spiritualités nous aident-elles à faire grandir notre vie et notre foi
chrétienne ? Vous pouvez nous demander l’ensemble des réponses apportées,
et aussi un résumé de leur vie. Nous avons noté que nous connaissons très mal
la vie et la spiritualité d’Eugénie Caps. Le père Armel a terminé la réflexion en rappelant quelques points
essentiels de la spiritualité du père Libermann, c’est-à-dire sa façon de vivre
l’Evangile, à partir du livret : »Tu as mis sur moi ta
main » : le désir de la sainteté et la paix intérieure, la docilité à
l’Esprit Saint, la pauvreté spirituelle, la douceur et l’humilité de cœur, l’union
pratique (c’est-à-dire être unis à Dieu dans tout ce qu’on fait), la confiance
et la patience devant les difficultés. Sœur Madeleine a été déléguée par la
fraternité pour témoigner de celle-ci au moment des annonces de la messe de
10h00, à la paroisse de Pikine.
2/ L’après-midi, nous
avons commencé avec la question : « Comment vivons-nous la dimension missionnaire de la fraternité,
dans la vie sociale comme au sein de la communauté chrétienne ? »
«Des débats, nous sommes arrivés
à la conclusion qu’être missionnaire pose comme condition préalable la docilité
à Dieu par l’entremise de son Esprit. Il s’agit d’admettre l’Esprit Saint comme
lumière, compagnon et guide, dans la paix et le calme. Nous en voulons pour
preuve, la manifestation du saint Esprit aux apôtres à la Pentecôte : avoir
soif de Dieu, nous soutenir dans nos
démarches vers les autres, faire de nos échecs une force de réussite,
faire connaître Jésus, le faire aimer, avoir le sens de partage de ses biens
matériels, agir pour les malades, les prisonniers, les pauvres et les laissés
pour compte. Etre missionnaire, c’est somme toute, se doter de l’esprit de zèle
pour la gloire de Dieu. Où peut-on être missionnaire? Eh bien, nous sommes
missionnaires à la maison, à l’église,
dans notre lieu de travail, au sein d’organisations non chrétiennes,
dans les ASC (Associations Sportives et Culturelles), etc… »
3/Nous avons ensuite
proposé un réaménagement des réunions de
la fraternité spiritaine pour que notre fraternité soit vraiment un groupe
de réflexion et d’actions. Comme nous le rappelle notre
titre : Esprit (Spiritualité) et Mission
1°
réunion = Spiritualité: nous lisons la lettre
du mois, comme d’habitude (un mois sur deux)
2° réunion = Mission (en alternant avec la 1°):
1) nous disons comment nous avons été missionnaires
pendant le mois
2) nous voyons les actions que nous avons menées. Ces
actions peuvent être de 2 sortes :
-chacun dit les actions
qu’il a menées dans sa famille, son quartier, son lieu de travail et partout.
Ce ne sont pas des choses extraordinaires, mais des petites actions de chaque
jour
-des actions de la
fraternité, menées tous ensemble. Par exemple à Nguéniène, la Fraternité a commencé une réflexion avec les jeunes,
pour que les jeunes filles ne quittent pas le village pour aller chercher du
travail en ville, avec tous les dangers et problèmes que cela comporte. Ils ont
aussi décidé de travailler ensemble pour remplir la caisse. Et de réfléchir à
la décentralisation et aux collectivités locales pour préparer les élections de
2014. En ville, ce pourra être venir en aide aux jeunes en chômage. Par exemple
les former dans la transformation de fruits, la vente de jus de fruits et d’autres
activités lucratives.
Comme le fait par exemple Thérèse Fatima avec des élèves pendant les vacances,
pour qu’ils s’achètent eux-mêmes leurs fournitures scolaires.
Nous allons essayer ce
nouveau programme, et on en parlera à la prochaine réunion de bureau. Nous comptons sur chacun des confrères
pour faire naître une Fraternité là où il vit. Que l’Esprit nous guide et nos
en donne le courage !
2. COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE DES FRATERNITES SPIRITAINES
A NGUENIENE
La communauté sérère :
1.
La lettre du mois est très bien. Elle nous
enseigne beaucoup de choses. Elle nous aide à mieux vivre dans nos quartiers.
Nous devenons capables de supporter beaucoup de choses. Cela nous permet de
résister aux sectes qui viennent de la ville.
Nous avons choisi Marie
Madeleine comme patronne parce qu’elle a la foi. Elle est toujours avec Jésus.
Elle nous aide à l’aimer et aussi à mieux nous aimer avec nos maris et nos
enfants.
Elle a été la première missionnaire pour les apôtres et pour
tous les chrétiens.
2.
Pendant le carême, je conseille mes
amis : »Il ne faut pas parler comme ça ». Conseiller ses amis,
c’est déjà de l’évangélisation. Ce n’est pas obligé que les gens changent de
religion, ce qu’il faut c’est qu’ils changent leur vie.
3.
Il y a seulement deux sœurs spiritaines
sénégalaises, et en ce moment aucun étudiant sénégalais en théologie. Il
faudrait donc que nous fassions un gros effort pour les vocations.
4.
L’Evangile commence à la maison. Après la
réunion, j’explique à mes enfants ce qu’on a dit.
5.
Nous avons ensuite préparé la venue des
étudiants
Le groupe français :
« Moi
ce qui m’a intéressé c’est que je suis le seul chrétien dans ma concession. La
messe ne suffit pas, pour vivre en chrétien. Et souvent à la messe, je rêve.
Pourtant j’ai ma vocation chrétienne, et j’ai un rôle important à jouer. Et
c’est très difficile d’avoir quelqu’un pour nous encadrer. La fraternité nous
soutient beaucoup pour cela. C’est vraiment un lieu fort, qui me donne des
références. Notre équipe s’appelle Fraternité du Cœur Immaculé de Marie, parce
que c’est la patronne des spiritains.
Je
suis venu dans la Fraternité par invitation, parce que je cherchais à renforcer
ma foi. J’ai trouvé cette équipe. Les lettres de chaque mois m’aident beaucoup
dans ma réflexion et au renforcement de ma foi, parce que c’est très appliqué à
la vie d’aujourd’hui. Comme les apôtres qui, malgré tous leurs problèmes, sont
restés fidèles au Seigneur.
Notre
fraternité est très dynamique, sous la direction des sœurs qui nous soutiennent
beaucoup ».
Nos actions :
·
Nous avons organisé une conférence, pour les jeunes parce qu’il y a beaucoup de problèmes
par rapport à leur comportement sexuel, et les parents ne parlent pas de cela
avec leurs enfants.
·
Dans la Fraternité, nous ne voulons pas nous
limiter au partage, nous voulons aller vers la population. Et nous impliquer
davantage dans la société.
·
Comme projet d’action, il y a aussi tous les couples qui ne sont pas en règle.
Nous allons parler avec eux, et les aider à avancer dans le chemin de Dieu.
·
Mais il nous faut penser aussi à ce qui se passe
dans la société, et commencer à nous préparer pour les élections locales.
·
La Fraternité est importante pour vivre en
chrétien. L’âne qui ne va pas boire, il meurt de soif.
·
Dans nos
communautés chrétiennes, il y a beaucoup de choses qui vont contre la foi.
La Fraternité redonne sens à ma vie.
·
Je ne suis pas doué pour parler en public, mais la rencontre avec les spiritains au Cap des
Biches m’a beaucoup encouragé pour cela. (Voir le compte rendu ci-joint).
·
En projet, nous avons la mise en place d’une AGR (Activité Génératrice de
Revenus) pour aider les plus démunis, et pour fixer les jeunes dans le monde
rural.
·
Nous avons demandé à M. Jacques Sarr de mettre
par écrit son exposé, sur les esprits
dans la tradition sérère.
·
Les deux groupes sont importants, pour que
chacun puisse comprendre la Parole de Dieu dans sa propre langue. Mais nous
avons de temps en temps des rencontres ensemble. Par exemple, nous avons fait
le 6 janvier un exposé sur Eugénie Caps, qui a été traduit ensuite en sérère.
Propositions :
1.
Pour la caisse : c’est difficile
d’avoir un champ collectif mais on pourrait au moins demander à chacun au
moment de la récolte de donner quelques
kilos de mil ou des arachides, que l’on pourrait vendre pour remplir la
caisse.
2.
Le Père Joseph Lambrecht nous avait dit
qu’il voudrait démarrer une Fraternité à
Saint-Louis. Il faudrait trouver les moyens de payer le voyage jusque là
bas.
3.
Il faudrait que les parents qui ont assisté à la
rencontre des jeunes, en parlent avec leurs enfants, pour voir ce qu’ils ont
retenu. Et ce qu’ils veulent faire, pour mieux vivre leur sexualité et leur
avenir, en particulier le mariage.
1.Fraternités
Spiritaines : Esprit et Mission
Rencontre
de Pikine du 21-4-2013.
|
Après avoir adopté l’ordre du jour, les membres répartis en
3 groupes ont muri des réflexions sur la spiritualité des fondateurs, les pas
desquels ils ont choisi de suivre et dont ils partagent la spiritualité. Il
s’agit des Pères François Libermann, Claude des Places, et Eugénie Caps.
Nous avons le loisir de vous présenter la mise en
commun des réflexions faites.
D’abord, qui est Claude Poullart des Places ? Claude Poullart
des Places est né dans une famille riche. Celui dont les parents avaient voulu
faire un juge, mieux le président du tribunal de Bretagne, a renoncé au luxe de la bourgeoisie pour se mettre au
service de Dieu. Il devient alors un grand missionnaire. D’abord au séminaire
chez des Jésuites, il fonda l’école des pauvres écoliers dont la finalité était
de former les pauvres c’est-à-dire aider
les étudiants démunis qui vont à leur tour évangéliser les pauvres. Il fonda
ensuite la congrégation du Saint Esprit pour en faire des missionnaires.
S’agissant de Père François Libermann, son chemin vers la croix de Jésus sera semé de
diverses embûches. Issu d’une famille Juive, il va renoncer au titre de Rabin. Suite à des
rumeurs, son père l’a rappelé à l’ordre en le soumettant à des questions au
sujet de sa formation à Strasbourg : chose miraculeuse, Il répond avec
brio aux questions, satisfaisant ainsi
aux attentes de son père, qui le laisse alors partir à Paris, Car Dieu
en a décidé ainsi. Il va découvrir le Christ. Il marche sur le chemin de Jésus
qui le fascine fort. C’est l’invitation à être un Grand missionnaire. Une
mission des plus séduisantes quoique semée d’entraves. Commence alors sa montée
vers Golgota qui sera le passage le conduisant à la sainteté. Le Révérend Père
Libermann a indéfectiblement choisi de suivre Jésus et de lui obéir mais
surtout de croire en la providence. Il est baptisé le 24/12/1826. Son père
déçu, le maudit, surtout que son frère Samson s’était déjà converti. Il doit
être ordonné sous-diacre. C’est alors que commencent ses crises épileptiques. François
Libermann est mis à l’écart mais il reste au séminaire et s’occupe de la
formation des jeunes prêtres pendant
deux ans. Un ami l’amène à Rome où il va présenter son projet de congrégation
missionnaire au Pape. Peine perdue. Il y passe deux ans de misères et de peine.
De là, il se rend en pèlerinage à Notre Dame de Lorette (construite avec les
restes de la maison de la Vierge Marie et de Joseph). Il y reçoit une guérison
miraculeuse : il est guéri de l’épilepsie. Il est ordonné prêtre et fonde
la congrégation des pères de Saint Cœur de Marie. Il forme d’abord 10 prêtres
qu’il envoie à Dakar. Ensuite, Rome
demande la fusion de la congrégation de
Poulart des Places avec sa congrégation et enfin meurt le 02/12/1852 en
déclarant en substance : « soyez fervent, toujours fervents. Ayez de la
charité, beaucoup de charité et l’union en Jésus Christ. Je suis heureux de me
voir sacrifié pour Jésus. L’homme n’est rien sans le zèle pour la gloire de Dieu ».
C’est l’expression d’un
homme fasciné par l’Amour salvateur.
Quant à Eugénie Caps, ayant préalablement reçu une vocation
missionnaire, elle est devenue
religieuse par providence. En tout état de cause, du retour de la guerre de son
frère revenu sain et sauf, dépend son
engagement religieux, bien qu’elle soit soutien de famille. Elle été inspirée par une poésie de Monseigneur le
Roi (Spiritain), et partage la spiritualité de Libermann et Poulart des Places C’est alors qu’elle se fie
au Saint Cœur de Marie et obtient miraculeusement gain de cause. Et donc, elle
s’engage après avoir rencontré son évêque. Comme pour Poulart des Places et François Libermann, des murs
incommensurables se dressent sur son parcours : déboires financiers,
brouilles familiales. Elle crée enfin la congrégation des sœurs de Saint de Marie qui deviendra plus tard la
congrégation des sœurs spiritaines. Mais son souhait d’aller évangéliser les noirs
(notamment au Cameroun) ne s’est jamais
réalisé. En somme, le parcours presque identique des trois personnages, nous
indique toute la démarche qui mène difficilement mais sûrement à la sainteté.
Tour à tour, ils ont rencontré, contemplé et enfin se sont appuyés sur le Saint
Cœur de Marie pour déplacer des montagnes.
Nous nous sommes
épanchés principalement dans l’après-midi sur la question suivante : comment être missionnaire ?
Des débats,
nous sommes arrivés à la conclusion qu’être missionnaire pose comme condition
préalable la docilité à Dieu par l’entremise de son Esprit. Il s’agit
d’admettre l’Esprit Saint comme lumière, compagnon et guide dans la paix et le
calme. Nous en voulons pour preuve, la manifestation du saint Esprit aux
apôtres à la Pentecôte. Alors qu’ils étaient timorés et prostrés, il est venu
les revigorer d’abord à travers
des vents impétueux, mais aussi en langue de feu se posant sur la tête de
chacun des apôtres. N’est-ce pas une couronne royale pour de grandes
missions ? Ainsi fortifiés et affranchis, ils ont accompli de grands
exploits pour la gloire de Dieu. Il faut également être dévoué à la gloire de
Dieu en s’efforçant de vaincre ses défauts, être extrêmement humble, docile et
souple, avoir un désir ardent de souffrir (porter allégrement sa croix), avoir
le courage de travailler sérieusement, vivre en communauté et en fraternité
sans aucune ségrégation dans un ordre solide, même en petit nombre bien
fervent, se vêtir de longanimité à toute épreuve, accepter les autres dans leur
différence, avoir soif de Dieu, nous édifier dans nos démarches vers les autres, faire de nos
échecs une force de réussite, faire connaître Jésus, le faire aimer, avoir le
sens de partage de ses biens matériels, intercéder pour les malades, les
prisonniers, les pauvres et les laissés pour compte.
Etre
missionnaire, c’est somme toute, se doter de l’esprit de zèle pour la gloire de
Dieu.
Il s’en est
suivi la question suivante : où peut-on être missionnaire?
Eh bien, nous
sommes missionnaires à la maison, à l’église,
dans notre lieu de travnail, au sein d’organisations non chrétiennes,
dans les ASC (Associations Sportives et Culturelles) etc.
Nous avons
clos nos travaux par un réaménagement de
la fraternité spiritaine à savoir :
-
Trouver des voies et des moyens pour venir en
aide aux jeunes en chômage en les utilisant dans la transformation de fruits,
dans la vente de jus de fruits et dans diverses autres activités lucratives.
-
Paul Marc Mané a été choisi pour suppléer le
poste de trésorier vacant
-
La poursuite des rencontres mensuelles, en
petites fraternités ou fraternités de base,
est maintenue.
-
Les cotisations mensuelles symboliques de 500
sont aussi maintenues.
La prochaine
réunion du bureau est prévue le 31 Mai à Ouakam chez les sœurs
spiritaines : ordre du jour : préparation de la prochaine assemblée
générale prévue le 23 Juin à Ouakam.
Paul
Marc Mané
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